Une action de blocage a été menée aujourd’hui sur les rails de la gare Saint-Charles, Marseille, point d’orgue d’une importante journée de mobilisation sur la ville contre la Loi El Khomri. Le silence des médias est assourdissant, et révélateur d’une inquiétude grandissante du pouvoir : et si Marseille avait trouvé la brèche ?
Depuis des semaines, des lycéens, des précaires, des chômeurs, des jeunes prolétaires en général, et des moins jeunes de plus en plus, tentent de se donner les moyens de l’autonomie. Une part toujours plus importante sort de la manifestation largement encadrée par les syndicats pour mener ses propres actions, sur ses propres objectifs.
Force est de constater que jusqu’ici, ces actions ont surtout consisté à construire un rapport de force avec la police, de constater notre impuissance, et souvent notre absence d’objectifs atteignables. Pourtant, Marseille n’est pas une sympathique station balnéaire peuplée de parasol. Y circulent, comme dans toutes les Bouches-du-Rhône, les forces vives et l’énergie de toute une partie du territoire français. Fuel, marchandises portuaires, fret, tout circule par Marseille, tout peut s’y arrêter. Il suffit de s’en donner les moyens.
Il ne s’agit pas ici de critiquer l’absence de but des manifs précédentes. Elles ont eu leur rôle : construire un rapport de force. Car, hors du syndicat, point de salut : dès le détournement de la manif, prévu sur boulevard Baille, sans aucune justification légale, les flics ont tiré sur la manifestation. Il a fallu toute l’expérience des échecs précédents, toute la détermination des manifestants à ne pas se laisser happer par la guerre de position que voulaient imposer les flics, pour marcher sur la gare.
La manif sauvage prend des coups, mais elle en rend enfin
De leur côté, les forces de répression ont été fidèles à leurs habitudes : ignobles. Il sera sans doute fait sur de nombreux sites des comptes-rendus plus fournis que les informations que nous peinons à rassembler à cette heure : tirs tendus à bout portant, interpellations au hasard, intimidations, camarades attaqués sur le rail et acculés à se jeter dans le vide, rien n’a été épargné aux prolos marseillais-e-s.
Un collégien victime d’un flash ball sur boulevard Baille
Il suffit de voir l’état du camion de Solidaires explosé par tir tendu pour comprendre à quelle hauteur tire la police :
La SUDmobile après la charge des bleus
Car c’est un fait : beaucoup de syndiqués ont suivi la manif « sauvage », il ne s’agit plus d’un mouvement marginal. On sort de la représentation de la radicalité, on passe à quelque chose de nouveau.
On peut compter les arrêtés : on en est, au moment où on écrit ces lignes, à 58. Il est clair que la hantise ici, c’est ce qui est en train de se passer : les manifs « sauvages » ne sont plus l’apanage de quelques « autonomes » et des lycéens, elle est devenue une force capable, après pas mal d’hésitations, de marcher sur la BAC, de faire ce qu’elle veut, et d’arriver à un objectif, et ce malgré tout l’acharnement de la police à polariser le conflit sur ses plate-bandes : gazage, blocage de rue dès la sortie de manif. Tout ce que la police a tenté d’entreprendre pour empêcher l’action de se mener a échoué. En revanche, le bilan est très lourd.
On pourrait s’étendre de manière épique sur la manif sauvage, d’autres s’en chargeront. Le plus important est là : après deux heures à jouer au chat et à la souris, la manif arrive à son objectif : entrer sur les rails de Saint Charles. Gare bloquée, tous les TGV vers paris itou, 80% de l’économie ferroviaire de la région en berne.
Vers une convergence des luttes
L’action de blocage de la gare Saint Charles est un succès total. Une fois arrivés sur les rails, c’est une foule sans précédent qui a marché vers la capitale. En espérant que l’action ait inspiré les cheminots, les employés de la gare, avec lesquels de nombreuses convergences se font et se feront.
Tout le monde n’a pas pu suivre la manif sauvage. Dès cet après-midi, dans plusieurs secteurs clefs de la région (RTM/transports, dockers, pétrochimie…), c’est la question de la reconductible qui est posée. Beaucoup sont rentrés au boulot. Nous leur avons montré que nous n’étions pas là pour faire de la figuration dans la lutte des classes.
Pourquoi bloquer une gare est si important ?
Parce que c’est un constat que nous faisons depuis des années : en 2006, en 2010, beaucoup de secteurs ont certes organisé des longues grèves, sans commune mesure avec le reste de la France. On pourrait parler de la grève des ports, qui a tenu 29 jours en 2010. On pourrait parler des sites pétrochimiques qui ont souvent tenu des blocages économiques. On pourrait parler à vrai dire, d’une réelle combativité dans les luttes quotidiennes. Seulement voilà. Nous l’avons dit et le répétons : nous voulons tout bloquer. Or pendant que les manifestants, encadrés par la CGT, bloquaient les axes économiques pendant la grève des retraites, les pipe-lines alimentaient sous leurs pieds en combustible toute la vallée du Rhône.
De la même manière, le 26, la grève des cheminots a été historiquement forte. Mais cela n’a pas empêché de bloquer les trains. Beaucoup sont partis, sont arrivés, sous le regard impuissant des travailleurs et des travailleuses du rail.
Bloquer tout, affirmer que nous voulons que la grève et le blocage agissent de concert et non pas de manière partielle ou symbolique, c’est tout l’enjeu que nous mettons aujourd’hui. Cet enjeu a un coût : beaucoup de nos camarades sont en GAV ce soir. Nous leur envoyons un salut fraternel. Et nous ferons tout pour que tout cela ne reste pas un acte isolé, mais la germe des pratiques de lutte qui serviront à construire la grève générale.
Désolé mais c’est un coup pour rien !!
Les numéros de cow boys ne servent qu’à alimenter les journaux de 20H pour affoler le salarié moyen et le dissuader de manifester.
Accessoirement cela sert à diviser la lutte entre étudiants et salariés, c’est d’ailleurs pour cela que la police paye souvent des petits voyous de banlieues pour faire de la casse.
La seule manière de bloquer la loi travail c’est la grève générale reconductible. Tout le monde le sait.
Et pour y arriver il ne faut pas brûler des poubelles ou dégrader des abribus, mais il faut se lancer dans un long et fastidieux travail militants : explication juridiques, tracts, affiches, sorties de bureaux et d’usines, etc.
Ah c’est un job chiant, et c’est moins excitant que le CRS fighting, c’est sur 🙂
D’un autre coté si on veut pas finir esclave du capital, dans un 21ème siècle de barbarie, il faut ce qu’il faut et par exemple commencer à réfléchir à une stratégie efficace sur le moyen et long terme !
Pour la référence théorique je vous renvoie à Gramsci et la différence entre guerre (sociale) de mouvement et de position …. et ca me rajeunit pas tout ca 🙁
Allez, continue de passer, et surtout ne cite pas Gramsci, parce que si ça se trouve, on l’a lu, nous.
Tu as le bonjour des « petits voyous de banlieue ».
Pour les autres, merci de lire l’article l’article avant de commenter.
Pourquoi présuppose tu que ceux qui brûle des poubelles pour ralentir des CRS en train de chargé, ne sont pas ceux qui tracte tous les jours, y compris dans des endroit où les syndicats ne vont jamais, pour expliquer comment faire grève et appeler à la reconductible ?
Qu’on le veuille ou non, hier une grande partie des salariés syndiqués ont suivit cette radicalisation du mouvement et ont décidé de tourner à gauche avec nous. Des milliers ont choisi de continuer la manif et des centaines ont décidé de continuer malgré la répression à Castellane. Des camarades de sud et de la cnt bien sûr mais aussi beaucoup de la CGT qui ont debadgé pour nous rejoindre. Ensuite, sur les rails, les travailleurs croisés ont très bien accueilli la manif. Les mots d’ordre de soutien aux grévistes du rails y étaient pour beaucoup. Ce genre d’action si elles se multiplient, peut pousser la base syndicale cheminote à faire pression sur sa direction pour commencer la reconductible plus tôt que le 19 mai et surtout pour faire sauter les revendication corporatistes et s’unir dans la lutte. Pour moi l’action d’hier était un bon exemple de ce que la convergence entre toutes les parties, syndicales et non syndicales peut produire pour construire le mouvement social et le rapport de force ensemble. Le gros point noir reste la répression subit, le mot d’ordre du préfet de faire « le max d’arrestation possible » est sans équivoque et démontre aussi la crainte que la convergence fait naître chez les dirigeants.
Lorsqu’un camion syndical veut prendre la tête d’une manif sauvage suivit par des milliers de travailleurs en vue de bloquer l’économie, ça fait flipper autrement l’État qu’un simple défilé du vieux port à casté ou qu’une manif de 50 jeunes énervés. Du coup la répression qui se met en place est à la hauteur de la menace.
J’étais à la manif et j’ai vu des jeunes renverser des poubelles alors que les CRS étaient à des kms, et d’autres témoignages font aussi état d’agression des casseurs envers les manifestants …
Ce qui m’amène à penser que les casseurs sont de deux types, soit payés par la préfecture, soit des jeunes sots (je suis poli). Dans les deux cas des nuisibles.
En fait le problème c’est que les manifestants étudiants n’ont pas résolu la question de la violence, qui est pourtant un problème simple et bien compris depuis longtemps.
Soit on vote le principe d’une manif violente et on assume, soit on vote une manif pacifique et logiquement on en exclut tous ceux qui ne respectent pas le vote démocratique. Une version light du principe « pas de liberté pour les ennemis de la liberté » 🙂
Tout autre est le principe, ancien et bien connu lui aussi, de l’autodéfense des manifestants … mais un peu long à développer içi …
Je comprends bien votre action « rails » pour faire la jonction étudiants-travailleurs, rien à redire.
Mais en ce moment une action plus tranquille et non violente me parait plus appropriée.
Se répartir en petits groupes, utiliser toutes les entrées simultanément et se regrouper pour distribuer des tracts et faire une prise de parole, cela marche aussi !
Quand à l’efficacité du camion syndical qui dévie à gauche (!) je suis sceptique.
Le pouvoir a choisi la répression, la castagne était inévitable.
Or l’ennemi est bien mieux armé et bien mieux entraîné et aussi, je le crois, supérieur en nombre.
Sans remonter à Sun Tzu, on sait bien que dans une telle situation il faut éviter à tout prix l’affrontement !
Dans la situation actuelle, très favorable pour un nouveau mai 68, le noeud du problème se situe aussi dans le fait que nombre de salariés ne se rendent pas compte de la régression sociale extraordinaire que représente la « réécriture » du Code du travail.
J’étais aux manifs de 2003 et 2010 et il y avait bien plus de monde dans la rue ! Pourquoi ? Parce que le mot Retraite parle immédiatement à tout le monde ! Tandis que l’alinéa y de l’article x c’est du chinois pour le salarié moyen, dont la mobilisation est pourtant indispensable pour gagner.
Alors si des jeunes ont de l’énergie à revendre : des tracts, des affiches, des mégaphones et quadriller la ville pour faire connaitre la loi El Khomry !!
Comme le disait déjà le camarade, ce sont les mêmes qui tentent des actions de blocages et qui font le travail de diffusion, d’infos etc.
De plus, je trouve assez fou que les seules choses que tu retient de ce qui s’est passé à la manif c’est quelques poubelles renversées ou cramées… La belle affaire! Et si tu parle de 68, n’oublie pas que la nuit des barricades c’était autre chose que quelques poubelles brulées!
Bref, arrêtons de reprendre les mots du pouvoir, de parler de casseurs, etc. Laissons ça aux bourges, aux flics, politicards et autres journaflics.
Et puis dire qu’on s’amuse avec du « CRSfighting » alors que plusieurs camarades ont été blessé-e-s, que d’autres sont en tôle a l’heure qu’il est, c’est juste de la merde. Y a des gens qui se bougent, qui risquent de perdre des yeux, de se faire casser la gueule. C’est autrement plus galère que d’écrire des commentaires de divisions sur un site internet révolutionnaire.
En mai 68 j’étais lycéen, j’ai vu les voitures brûlées et autres festivités. Et comme je suis fils d’ouvrier j’ai pu constater l’effet produit sur une bonne partie des travailleurs. En quelques semaines patronat et syndicat s’entendaient pour enterrer le mouvement.
En 2016 on y arrivera – peut être – mais uniquement par la mobilisation de la masse des salariés.
Et bon courage pour les victimes des violences policières.
Mais j’en veux un peu aux casseurs – rétribués ou non – d’avoir permis aux flics de légitimer leur violence !
A demain dans la rue.
La grève générale tuera les travailleurs et n’affectera pas la bourgeoisie . Vive l’insurrection ! Aux armes !