La récente victoire de la CGT aux élections dans les TPE est un cache misère. La très faible participation électorale (plus de 92 % d’abstention) donne très peu de marge à la plus vieille centrale syndicale de France. Réponse le 31 mars prochain, mais la victoire de la CFDT semble acquise.
Le scrutin organisé auprès des salariés des très petites entreprises s’est déroulé du 30 décembre au 13 janvier (20 janvier dans les Outre-mer).
Il s’agissait pour ces salariés des entreprises de moins de 11 salariés, de désigner des conseillers prud’homaux et les représentants syndicaux dans les commissions paritaires régionales. Le tout sur la base du sigle. La CGT reste premier syndicat avec un score de 25 %, mais surtout avec 81 000 voix environ. Elle est suivie de près par la CFDT qui obtient 15 % et 50 000 voix environ. Parmi les autres résultats notables, on peut citer la hausse cumulée des voix pour la CNT & la CNT SO. Là où lors scrutin précédent la CNT avait tenu 9 800 voix, les deux CNT font désormais 13 300 voix. Dans le contexte général de participation en berne, c’est une poussée importante. Un effet de lutte contre la loi travail?
Une participation en baisse.
La participation était déjà faible lors du précédent scrutin. Elle atteignait péniblement les 10 %. Aujourd’hui elle se situe à 7,35 %. Soit autour de 330 000 votants sur plus de 4 500 000 d’inscrits.
Cela s’explique bien sûr par le peu de réalité de ce scrutin pour les salariés des très petites entreprises (aides à domicile, maçonnerie, restauration, salons de coiffure, cabinets médicaux par exemple). Mais aussi du fait de l’obstination de la CGT à tenté d’empêcher la participation du Syndicat des Travailleurs Corse (STC) et de LAB (Langile abertzaleen batzordeak , Syndicat des travailleurs du Pays Basque). Elle a multiplié les recours juridiques en vain, ce qui a retardé le scrutin, rendant la campagne moins audible.
Les enjeux.
C’est que la CGT avait beaucoup à perdre dans cette affaire. Car le premier syndicat de France est menacé de perdre sa place au profit de la CFDT. Son dernier atout, c’était justement les élections dans les TPE. Le scrutin aux enjeux peu clairs pour les salariés, se tient sur la seule base de la connaissance d’un sigle. La CGT y bénéficie d’un avantage, celui d’être le plus connu des syndicats. Là ou elle avait très légèrement perdu les élections professionnelles, sa victoire dans le scrutin des TPE était la seule chose qui lui avait permis d’assurer sa première place lors du précédent calcul de représentativité.
Explication en détails.
( Si ça vous gonfle, passez directement à la partie suivante, hein, vous êtes obligés de rien vous êtes libres ).
Depuis la réforme de la représentativité syndicale, le calcul se fait tout les trois ans, et vaut pour les trois ans a venir. Il se tient sur la base de l’amalgame entre 2 types de scrutin différents :
– Les élections de comités d’entreprises et délégués du personnel.
– Le scrutin organisé auprès des salariés des très petites entreprises.
Prenons le précédent scrutin.
Tout d’abord, la participation :
Au total, 5 456 527 salariés ont participé à ces élections ou consultation. La participation est de 42,8% des 12 755 317 inscrits. Mais, hors TPE, la participation aux élections de comités d’entreprises ou de délégués du personnel est de l’ordre de 66 %.
Trois syndicats se partagent près de 70 % des voix : La CGT (près de 27%) la CFDT (26%) et FO (16%).
La CGT obtient en tout 1 355 927 voix.
La CFDT obtient en tout 1 317 111 voix.
FO obtient en tout 807 434 voix.
La différence en nombre de voix entre la CGT et la CFDT, est très faible. Moins de 40 000 voix d’écart. C’est ce qui sépare le premier syndicat de France de son dauphin, mais permet surtout à la CGT de passer la barre des 30 %.
En dépassant les 30 %, la CGT est le seul syndicat à pouvoir signer seul un accord, depuis la loi de 2008 sur la représentativité syndicale. C’est dire si ces voix ont de l’importance !
Or, une analyse un peu plus fine des résultats montre que cet avantage, la CGT ne le conserve que grâce au scrutin dans les TPE : elle y obtient 136 033 voix. La CFDT quand à elle obtient 88 699 voix. Soit un peu plus de 47 000 voix d’écart.
Et oui, car si les deux confédérations se tiennent dans un mouchoir de poche, la CFDT est très légèrement devant dans les élections professionnelles. ((Grâce aux suffrages des cadres, mais ceci est une autre histoire)).
CFDT : chronique d’une victoire annoncée ?
Mais justement, les nouvelles élections dans les TPE ont vu l’avance de la CGT diminuer. Voir les résultats ici.
Elle ne dispose plus que d’un « matelas » de 31 000 voix d’avance… Soit 16 000 de moins. Or, ce qu’indique les résultats partiels glanés ici ou là, c’est que la CGT est en recul face à la CFDT dans les élections professionnelles. Cette légère avance risque donc fort d’être insuffisante. Cela signifierai alors que la CFDT se retrouverait propulsée à la première place. Reste encore à savoir avec quels résultats. Et surtout si elle passe la barre des 30 % lui permettant de négocier seule. Ce serait dans tout les cas un coup dur pour la CGT. Cela, cumulé au changement de président, dont on peut sans trop se tromper affirmer dés maintenant qu’il sera pire encore qu’aujourd’hui (( Peu importe qui, d’ailleurs : c’est une constante en politique, le nouveau ou la nouvelle président(e) est toujours pire. Allez, un petit défi, donnez un exemple du contraire)) , n’annonce rien de bon.
Qu’en penser ?
Le champs de bataille c’est plus que jamais celui de l’entreprise. En effet, la loi travail, en rendant possible des attaques sans précédents sous la forme d’accords d’entreprise, est la porte ouverte à une offensive générale contre les exploités. Cette victoire probable de la CFDT, c’est celle de la stratégie dite « du grain à moudre ». (( Théorisé à l’époque par les dirigeants de FO )). Comprendre : Le syndicat, s’il accompagne l’offensive patronale, peut gratter à la marge des miettes pour les travailleurs de plusieurs corporations, en particulier les plus qualifiés d’entre elles et eux. Et se sucrer au passage aussi.
Bien sûr, cette stratégie se fait au détriment de l’ensemble des exploités, qui voient leur situation se dégrader. Notamment les plus précaires, et parmi elles une majorité de femmes prolétaires.
Qu’y faire ?
Il est nécessaire de tisser des liens de solidarité et d’autodéfense de classe, en prévision des attaques qui arrivent. L’hiver vient sur le syndicalisme français. Cela n’est pas pour autant une fatalité pour nos luttes. Regardons ce qu’il se passe ailleurs en Europe. En Italie, au Royaume Uni, des travailleurs précaires se mettent en grève, luttent, font plier jusqu’à des plate-formes internet comme Deliveroo ou Foodora. ((Nous en reparlerons prochainement)). Plus près d’ici, les femmes de chambres grévistes ont remportés plusieurs batailles, par exemple à Marseille.
Ce n’est qu’un début.