Pauline, infirmière libérale dans une petite commune du nord de la France se retrouve endoctriné par le Bloc Patriotique pour se présenter en tête de liste avec Agnès Dorgelle, chef de parti, pour les élections municipales. Vous l’aurez compris, Chez nous, le dernier film de Lucas Belvaux est un film sur le FN.
Il dénonce, il dévoile. Et ça fonctionne chez les lecteurs de Telerama. De son côté, le FN proteste, quoi qu’on puisse se demander si ce n’est pas juste pour se présenter en victime et se faire un peu de pub gratos… On regarde de plus près.
Lucas Belvaux
Certes, on ne doute pas une seule seconde du parfait humanisme de gauche du réalisateur Lucas Belvaux qui s’indigne publiquement contre les partis extrémistes. Dans son dernier film CHEZ NOUS, il a voulu s’attaquer au Front National. Là non plus, on ne doute pas de cette bonne intention mais toute la question est bien de savoir si cet exercice est vraiment réussi. En tout cas, pour sa filmo ce n’est pas complètement dégueu : LA RAISON DU PLUS FAIBLE, 38 TÉMOINS, PAS SON GENRE, la trilogie Belvaux…
Petite note pour la culture, c’est aussi le frère de Rémy Belvaux, le réalisateur de C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS.
Un copié-collé du FN assez réussi.
C’est clair, la petite commune du nord de la France c’est Henin-Beaumont. (Hénart dans le film) Le Bloc Patriotique c’est évidemment le FN et Agnès Dorgelle, Marine Lepen. Pour le coup, le copier-coller est, en plus d’être amusant quoique un peu grotesque, assez réaliste.
La manipulation, la sémantique, les éléments de langage, la propagande, l’importance des réseaux sociaux, tout ça fonctionne. Mais aussi dans les petits détails ; le nom du mouvement d’Agnès Dorgelle « le Rassemblement National Populaire » qu’elle créé pour se détacher de l’image de son père, le fameux Roland Dorgelle, décrédibilisé par un passé raciste et antisémite. La foule dans les meetings scandant « On est chez nous ! ». Le logo, calquant la flemme bleu-blanc-rouge. Et même la gueule du partenaire, chien-chien, homme à tout faire d’Agnès Dorgelle, est un très bon mix entre celle de Phillipot et Alliot. Donc ça en effet, c’est plutôt réussi.
Mais des personnages un peu cliché.
Dans le film, on voit aussi apparaître un échantillonnage des personnages à la limite du cliché. Outre les membres du Bloc (c’est quand même le sujet) et les nasillons qui gravitent autour, on a la militante « gauchiste anti fasciste », le « syndicaliste communiste », les « jeunes de quartier », « la mère et la fille musulmane » et « le complotiste » qui tire toutes ses infos sur le « grand remplacement » du site Hénar-Vérité. A première vue, ça fait grosse caricature. Soyons, sympa, disons qu’au final, même si c’est parfois un peu grossier, on se laisse prendre par toutes les convictions des uns et des autres.
A partir de là, on va spoiler.
Vous êtes séduits aujourd’hui mais en fait…
L’objectif de L.Belvaux est clair. Nous faire nous identifier à Pauline, qui est une sorte de symbole du basculement de l’électorat. Comme elle, on est flatté par la manière dont le FN nous valorise. Comme elle, on a envie d’être aimé par une belle gueule, athlétique et tout. Mais en fait, tout ça, c’est du chiqué ! On nous manipule, pour se servir de nous. Derrière la façade, il y a les fondations. Et elles puent.
Ainsi, de l’histoire d’amour… Pauline, l’héroïne donc, retrouve un de ses anciens copains du lycée qu’elle n’a pas revu depuis des lustres. Ils tombent amoureux et ils sont trop mignon tout les deux. Les enfants de Pauline adorent ce nouveau beau-papa qui s’occupe bien d’eux. Bon ok, sauf que le spectateur apprends très vite que pendant toutes les années où ils se sont pas vu « Stenko », le petit ami, à fait parti du service d’ordre du Bloc… pour sombrer très vite dans le néo-nazisme. Il s’est d’ailleurs fait évincé du Bloc à cause de ça (On a eu les mêmes histoires pour de vrai avec le FN, pour des photos retrouvés de salut hitlerien).
Et qu’est-ce qu’il fait le week-end, Stenko, avec ses copains nazis? Et ben il va chasser du Rrom. Bien sûr tout est fait pour qu’on s’attache à ce personnage et à cette histoire d’amour avec Pauline, avec le malaise qui va avec : on se prend à espérer un dénouement heureux pour une fafinette en devenir et un néo-nazi.
Mais bien sûr, cela n’aura pas lieu : le dévoilement du vrai visage du nazi décille Pauline, qui se retourne contre son petit copain. De même, elle quittera le parti en comprenant qu’on la prend pour une bille et qu’on la manipule. Dans les deux cas, après avoir été séduite, elle se rend compte de son erreur. C’est d’ailleurs à priori ce que le réalisateur attends de nous.
Un film politique ?
CHEZ NOUS, est considéré dans les critiques comme un des rares films politiques français. Certes, il est, politique, mais plus grâce à son contexte. En effet, en sortant fin février, deux mois avant les élections présidentielles où le parti de Marine Lepen est au plus haut dans les sondages, il est évidemment en plein cœur d’une actualité politique. Alors, ça fait crier les cadres du FN qui considèrent que c’est une propagande anti-FN intolérable et blablabla… Donc oui, si ça fait hurler quelques fachos, on peut en effet considérer que c’est un film politique.
On nous manipule, on nous ment. OK et alors ?
Le FN est ,comme tout les autres partis favoris lors de ces élections, un parti anti-prolo au service du capital. Merci pour le rappel. Sauf que le parti pris du film, du dévoilement et de l’appel à la conscience, c’est un peu du pipeau. C’est le bon vieil antifascisme de papa soc-dem. Il s’agit de susciter l’indignation, cette arme suprême du couillon comme l’écrivait Dario Fo. ((Dans la pièce géniale « Faut pas payer ».))
Sauf que ce n’est pas avec de l’indignation qu’on combat le fascisme. Et on cherchera en vain le registre de la lutte : il est absent du film.
En restant dans ce cadre convenu de la dénonciation, le film tombe dans le piège classique de l’antifascisme républicain. Soyons clairs, le vrai but de Belvaux c’est de rediaboliser le FN et c’est plutôt réussi. Ce que rappelle ce film c’est que ce parti qui se dit celui des pauvres, révolutionnaire et anti système n’est qu’un parti verreux. Que ses cadres sont des gros bourges qui ne se meuvent que pour des questions de thune et de pouvoir.
Sauf que tout ça , c’est le lot commun des gestionnaires.
Bref, le cordons sanitaires anti parti extrémistes que voudrait nous imposer Belvaux et le reste de ses confrères de gauche vaudrait pour tout ce système merdique que constitue la classe politique.
Un mot sur la forme.
Nous nous attarderons pas trop sur la forme, car pas très intéressante, cinématographiquement parlant. Lucas Belvaux est un réalisateur qui a déjà fait ses preuves. Mais ce film se veut peut-être un peu trop réaliste. Il en découle des scènes parfois trop grotesques pour pouvoir être convaincantes. Chez nous sera peut-être un bon téléfilm, que nous montrerons dans quelques décennies, après la révolution, à nos enfants pour leur montrer une photographie du cirque électoral actuel.
En conclusion, disons qu’à moins d’être sur-fan du cinéma de Lucas Belvaux, on attendra le streaming..
Le film est effectivement intéressant, pour son côté film à clé.
Mais ça reste assez édifiant, voire caricatural à l’extrême avec le perso de Dussolier (photos de Maurras et Brasillach chez lui). On sent les gros sabots de Jérôme Leroy.
Ca ne vaut vraiment pas Le grand jeu de Nicolas Parisier, avec le même Dussolier.