Un peu partout en Europe, l’ubérisation gagne du terrain. Les entreprises de cette soi-disant économie du partage (quelle blague!) prolifèrent, comme Deliveroo ou Foodora pour la livraison de nourriture. Les luttes aussi. Voici donc un historique de la lutte des travailleurs et travailleuses de Foodora à Turin.
Il s’agit aussi du lancement d’une nouvelle série d’articles sur le boom international des luttes de bases.
Quelques mots du contexte italien.
L’Italie est, avec la Grèce et le portugal, l’un des pays ou le taux de chômage des jeunes est le plus élevé en Europe. 40% pour une moyenne européenne de 22%. Le pays a connu ces dernières années, avec le Jobs act et le phénomène des vouchers, une vaste offensive contre les salariés.
Les Vouchers sont des bons d’une valeur nominale de 10 euros. Censés mettre fin au marché noir, ils l’ont de fait légalisé en partie.
Le Jobs Act, en vigueur depuis mars 2015, vise à faciliter les licenciements des contrats de durée indéterminée, mais aussi à limiter les indemnités chômage en les adaptant à la durée de cotisation, faciliter l’affectation des salarié·e·s à d’autres missions que celles pour lesquelles ils ont été engagés, flexibiliser la réduction des horaires et des salaires, sucrer les vacances… Un peu comme la loi travail, en somme, mais peut-être encore pire.
L’ensemble de ces mesures à considérablement dégradé et précarisé les salariés en Italie. Mais, comme nous le verrons, ils et elles ne baissent pas la tête pour autant! De nombreux collectifs de lutte ont poussé comme des champignons un lendemain de pluie…
Nous publions aujourd’hui un texte un peu plus long que d’habitude. Nous ne voulions pas couper dans ce récit. Nous nous excusons par avance pour les possibles fautes de traduction.
« Le fossé infranchissable entre les exploiteurs et ceux qui, exploités, s’opposent à eux »
Le combat des livreurs ne date pas d’octobre.
Ce n’est pas l’explosion dégénérée d’une minorité mécontente et confuse qui s’obstine à ne pas comprendre les énorme possibilités de gains découlant du salaire aux pièces.
Ce n’est pas la stricte défense des « 5 euros de l’heure » et encore moins la revendication d’un poste fixe avec un contrat à durée indéterminée.
Compte tenu des inexactitudes rapportées dans les journaux (probablement inévitables) et des mensonges propagés dans l’entreprise ( manifestement instrumentalisés) écrire une brève chronique des protestations et du collectif qui les a soutenu se veut un moyen de faire la lumière sur une expérience atypique de lutte et d’auto-organisation.
Connaître l’histoire de cette petite lutte aide à en comprendre les possibilités, les limites et les perspectives.
Aider à la placer dans la bonne perspective, en rapport au contexte et à la période dans laquelle elle se développe c’est pour nous la possibilité de renouveler l’invitation à la soutenir, à la répandre, et si c’est jugé approprié, à la reproduire.
Se trouver.
Foodora débarque à Turin en octobre 2015, mais c’est seulement à partir de mars 2016 que l’entreprise commence à augmenter significativement la flotte de livreurs. L’expansion de la flotte est liée aux prévisions de croissance des commandes dans la ville. C’est sur les « points de départs » fixés pour le début du chargement que se sont développées les premières petites discussions sur les conditions de travail. Brefs échanges de quelques mots entre quatre ou cinq collègues, interrompus pas la « cloche » des commandes via l’appli. Lambeaux de plaintes, d’insultes et d’espérances tissés dans les plis d’un travail atomisant.
C’est dans cette ambiance que se sont propagées les premières rumeurs sur les différences de salaires par rapport aux collègues de Milan et qu’est née l’idée de créer une discussion entre les livreurs autour de la proposition de demander à ce que l’entreprise couvre au moins une part des dépenses sur les outils et l’entretien…
Le 24 mars 2016 naissait « Foodora rembourse les préjudices », la discussion sur whatsapp seulement pour les livreurs, instrument d’auto-organisation, réflexion et défouloir(malheureusement parfois) loin du regard vindicatif et paranoïaque des petits chefs et petits patrons.
Se rencontrer
La discussion rassemble des dizaines de personnes : ceux qui ont déjà décidé de lutter, les curieux, ceux qui espèrent trouver quelque chose de mieux que Foodora et ne veulent pas se mettre en jeu et qui veulent simplement connaître leurs collègues.
Le 10 avril 2016 on se donne le premier rendez vous sur la place Castello. Enfin nous nous connaissons !
On parle, on crie, on boit, ça ressemble plus à une fête qu’à une assemblée. Pourtant, c’est dans ce chaos que se définit les lignes d’un collectif de lutte des livreurs de Turin. « Foodora est un travail qu’on aime bien faire, ce n’est pas celui que nous ferons toute la vie mais ça vaut la peine de chercher à améliorer les conditions de travail ».
Un syndicaliste de CUB a passé en revue nos contrats et à trouvé plusieurs irrégularités. Cela ne peut que légitimer les revendications.
Mais comment réagira la société face aux revendications collectives ? Et qui sont nos « leaders » ?
L’entreprise
Le 12 avril 2016 un petit groupe d’entre nous rencontre Gianluca Cocco, un des deux jeunes managers de Foodora ( l’autre est l’évanescent Matteo Lentini). La réunion se concentre sur les problèmes techniques liés à l’application installée sur nos téléphones pour travailler.
Par rapport à l’ambiance amicale avec les responsables Turinois, le contact avec le dirigeant Milanais est effrayant et instructif en même temps. Annoncé avec un paternalisme qu’on avait pas demandé, sur la discussion officielle du travail, le manager nous montre son visage le plus moche: look à la Marchionne1, utilisation délirante de mots anglais italianisé, arrogance à revendre et beaucoup, beaucoup d’incompétence.
Centralisation (remettre à la maison mère allemande toute les décisions importante.. « Je suis seulement un gestionnaire, je ne peux rien faire ») et hiérarchie aveugle sont les maîtres mots qui marqueront un fossé dés ce jour entre « nous » et eux ». Un fossé éthique avant même d’être « de classe », une différence entre les formes de vies qui aiguise la perception d’un conflit entre les intérêts d’une direction odieuse et ceux des travailleurs. Dans la réunion est refusé toute possibilités de parler d’une augmentation de salaire. Et le soir les managers annoncent sur le chat du travail, sans aucune honte, qu’ils ont choisi (eux, à notre place) des représentants des livreurs pour les futures rencontres avec l’entreprise. Les collègues en question refuseront toujours cette nomination.
Punition.
Ce ne sont pourtant pas les fanfaronnades de Gianlucca Cocco qui suffirent à rendre « évidente » la très mauvaise gestion entrepreneuriale de Foodora, mais la pratique quotidienne de répression, d’intimidation contre toute les voix qui exprimaient des plaintes ou des désaccords. Avec la croissance du volume des commandes, la charge de travail pour les livreurs se fit plus pesante, fit croître l’énervement et le chat du travail devint une sorte d’agora ou émerge mécontentement et mauvaise humeur. Le 3 mai 3016 arrive la première punition exemplaire : pour un mot écrit dans un moment de stress un collègue est « suspendu » il est expulsé du chat et viré de sa tournée avec en conséquence une perte de gains. Les dirigeants font bloc contre ceux qui demandent pourquoi. « ici c’est une entreprise ce n’est pas une assemblée » » « il a commis une faute objective » « qu’il serve d’exemple pour tous » En dépit du contrat qui prévoit l’impossibilité de mesure disciplinaire contre les « collaborateurs ».
En comparaison, apparaissent comme plus subtils et menaçants les « conseils » que toujours via le chat le city manager de Turin donne, quelques jours plus tard, à un autre livreur qui se plaignait parce que sa tournée avait été « coupé » ( et oui flexibilité veux dire aussi être renvoyé à la maison à la moitié de ta tournée sur un simple mot de l’entreprise) « Moi aussi je m’engueule avec mes chefs je t’assure… Mais nous en parlons en privé… Je le dis pour toi… Ça t’aidera dans le futur »
Se compter
Les assemblées de livreurs deviennent plus organisée et partagée et une lettre est rédigée de « proposition d’améliorations » a signer et présenter aux managers.
Les principales revendications sont : égalité de paiement horaire avec Milan ( 8 euros de l’heure contre 5,6 euros pour nous) accords commerciaux avec une boutique de vélos pour la réparation des vélos et scooters personnels utilisé pour travailler, augmentation de la paye les jours férié et remboursement des frais téléphoniques ( internet et voix). Le 12 juin 2016 la récolte des signatures commence lors d’une fête organisée dans un parc.
Le 21 juin 2016 après une vague de suspensions disciplinaires la direction ferme le chat de travail. ( « C’est l’Allemagne qui l’a demandé » sera la refrain pathétique à ce sujet). En vérité le climat se faisait pesant et la société ne tolère aucune forme de critique.
Pour notre part nous affinons les méthode de mobilisations et de propositions L’absence de porte parole ( pour ne pas s’exposer a la vengeance et ne pas reproduire la misère organisationnelle de l’entreprise) la pétition qui « propose » et non pas « demande » (pour ne pas attiser la paranoia anti-syndicale des dirigeants), le refus d’entretien « face a face » avec les petits chefs mais plutôt des réunions collectives.
Se met en place petit à petit une force collective dans une entreprise qui veut que le travailleur soit atomisé et docile.
Ouverture de la danse.
Le 28 juin 2016 est présentée la lettre accompagnée de la signature de 85 collègues ( sur une flotte d’à peu près 120 livreurs.) On la présente en groupe et arrachons au city manager un délai de deux semaines pour obtenir une réponse. La direction réagit avec colère : Gianluca Cocco laisse passer les deux semaines sans donner de réponse, puis via whatsapp annonce qu’il peut nous répondre à condition d’être inscrit sur la discussion whatsapp réservé aux livreurs. Une provocation inacceptable qui est rejetée.
L’audience n’est accordée que le 21 juillet et se révèle une farce : en résumé la direction accepte
de faire une convention avec la boutique de vélo et promet quelque chose au sujet du remboursement des frais internet. La possibilité de discuter des augmentations de salaires est toujours niée.
Le choix de Foodora de faire durer les « négociations » le temps des vacances semble payer : avec l’arrivée d’août et le rejet net de nos demandes, notre enthousiasme dans les assemblées se ternit.
Les épisodes de suspensions punitives continuent. Un collègue privé durant des semaines de la possibilité d’obtenir des tournée de travail quitte l’entreprise.
On fait le point.
Le 10 août 2016 des flics des RG2 font une visite dans les bureaux de Foodora et Pony Zero ( qui s’occupe des embauches des livreurs de Just Eat, le concurrent direct de Foodora). La raison, c’est la l’apparition de tracts dans la ville, qui dénoncent la faible rémunération des livreurs et incitent à reprendre la lutte. Le city manager de Foodora très stressé, tente d’abord d’utiliser un collègue comme délateur pour découvrir les auteurs, puis convoque les livreurs pour en savoir plus.
Les collègues en profitent pour ouvrir une espèce de tractation de laquelle sort une vague promesse d’augmentation de toute la flotte a partir de janvier. ( conditionnée cependant à une croissance exponentielle du volume des commandes a Turin). C’est la première fois qu’on voit apparaître la,possibilité de négocier sur la rémunération.
Le mois d’août brûlant de Deliveroo à Londres3 semble nous indiquer méthodes et perspectives. Il suffit seulement de se remettre en selle tous ensemble.
Aux pièces.
Si Foodora avait déjà commencé à Milan une nouvelle campagne d’embauche sans fixe horaire, à Turin c’est à partir de septembre qu’est proposé le salaire aux pièce ( pour l’occasion baissé à 2.7 euros la commande, mais il paraît qu’ « a Turin le coût de la vie est moins cher » compte la dessus…). Sous le prétexte d’une réorganisation générale de la flotte en vue de la croissance gargantuesque des commandes de nourriture durant l’automne, une campagne délirante d’embauche est menée, avec des contrats à la limite de l ‘esclavage.
On ne dit rien au livreurs avec des contrats à salaire horaire fixe, comme d’un autre côté les chefs se gardent bien de dire aux nouveaux que leurs collègues sont payés en fonction du temps qu’ils consacrent à l’entreprise.
Les assemblées reprennent avec vigueur et beaucoup de nouveaux viennent et s’impliquent, ce travail de critique de l’entreprise concernant tout le monde.
Une nouvelle revendication est formulée : rémunération mixte ( fixe horaire plus quelque chose par commande) et contractualisation qui protège tout les travailleurs contre l’arbitraire de l’entreprise. Une entreprise qui se réserve le droit de changer les ordres des tournées et de distribuer les punitions.
Le temps presse.
De nombreux livreurs avec un contrat à l’heure quittent Foodora, du fait de la forte détérioration des conditions de travail. De plus en plus, la prise de conscience se répand que c’est un des objectifs de la direction : casser le collectif qui s’est réuni autour de la pétition et de l’assemblée.
Au fond le jeu est simple : attendre jusqu’à la fin du contrat, puis tu t’adapte ou tu t’en va…
Des rumeurs de plus en plus persistante disent aussi que l’entreprise se sert de mouchards pour savoir qui tire les fils de la « révolte » ( fait qui a été confirmé depuis par les chefs).
Devant l’impossibilité par manque de temps d’organiser à nouveau une pétition ( le 30 novembre tout les contrats à l’heure en CDD se terminent et la seule possibilité de continuer à travailler pour Foodora sera d’accepter le salaire aux pièces) nous nous tournons vers un syndicat de base, S.I CoBas. ( connu à Turin pour sa combativité et sa radicalité dans le secteur des travailleurs de la logistique) pour entreprendre des négociations syndicale formelle.
Les collègues adhérents du syndicat sont aussi bien des « vétérans » avec contrats à l’heure que des nouveaux embauchés rémunérés à la commande.
Répression
A la fin septembre quelques-uns d’entre nous ( une quinzaine) identifiés par les chefs comme les plus énervés sont privés de la possibilité d’accéder au tableau horaire pour réserver les tournées.
On le confirme à un collègue qui va demander des explications dans les bureaux : il s’agit d’une manœuvre pour dégager les fauteurs de troubles. Cette répression de fait suscite l’indignation de très nombreux collègues inscrits sur le chat de lutte et les premières réactions publiques s’amorcent : Critiques négatives sur Facebook pour frapper là ou l’entreprise s’investit le plus mais ou elle est aussi la plus fragile a travers son image publique.
L’entreprise propose alors une énième réunion de clarification et « invite » aussi les livreurs punis sur un chat qui promet une rencontre conciliante avec le manager Gianluca Cocco. Notre réponse est sèche et vient des bureaux syndicaux : plus de blabla, la société dispose de 7 jours pour ouvrir des négociations syndicale sur la rémunération et les contrats.
L’ultimatum est rejeté avec l’arrogance habituelle ( l’entreprise n’a formellement pas d’employés et ne reconnaît pas la constitution d’un syndicat en son sein….) De plus le 7 octobre 2016 deux « promoter » (manager?) de foodora sont virés sur la base de rumeurs de leurs participations à nos assemblées. ( « Putain qu’est ce que vous foutez avec les livreurs ») les incendient un des chefs en les licenciant par téléphone, après avoir fermé leurs profil sur la page qui organise les tournées. La coupe est pleine… Et le soir du 7 octobre est proclamé l’état d’urgence syndical.
Rompre le silence
La matinée du 8 octobre on se retrouve sur la place Vittorio. Nous ne sommes pas très nombreux mais la tactique choisie pour être « efficaces » est bien rodée : elle nous a été suggérée par les collègues de Deliveroo de Londres qui ont gagné contre le travail aux pièces. L’idée est simple : avec un groupe bien visible ( ce qui est très très important c’est d’avoir une gigantesque banderole) vous entrez dans les restos qui utilisent Foodora et vous distribuez des tracts aux clients, aux serveurs et travailleurs des cuisines. Dans le même temps vous faites une campagne sur les réseaux sociaux qui renvoie l’entreprise à ses responsabilité et dénonce l’hypocrisie et le harcèlement dont elle fait preuve.
Les événements ultérieurs et leurs implications à l’échelle nationale (et au-delà) sont connus de tous.
La couverture médiatique massive a assuré un débat national sur la diffusion de l ‘ « économie collaborative».
Le spectacle, l’opinion publique et les politiciens ont pris notre parti. ( Même si les résolutions que ces derniers ont mis en place se sont révélées des effets d’annonces insuffisants. Que peuvent les inspecteurs du travail, si ce n’est montrer leur impuissance devant des décennies de démantèlement ciblés des droits des travailleurs, qui ont aboutis à légaliser des situations « borderline » comme Foodora ? )
Et sur les réseaux sociaux, le « shit-storming »4 à démoli des mois et des mois de travail de l’entreprise pour se construire une image présentable. Grace à une brillante offensive de tracts, de manifs, de présentations et soirées de soutien, la lutte à très vite obligé l’entreprise à faire des concessions. (Passage de 2.70 à 3.60 Euros la commande, ainsi que les accords avec la boutique de vélos… Oui, les accords qu’ils nous avaient promis en juillet…)
Gianluca Cocco et Matteo Lentini se sont littéralement enfuis à chaque occasion de les rencontrer ( à part une espèce de comédie pour nous vanter les bénéfices du paiement aux pièces ou ils se sont pris une avalanche d’insultes). Il ont engagé un service très coûteux de conseil de communications pour les entreprises (Barabino & Partners) pour se dépêtrer de leur débâcle médiatique et de la chute consécutive des commandes à Turin . Ils ont également lancé une nouvelle campagne de marketing à Milan pour « tenir tête » à la diffusion des pratiques de boycott ( c’est hallucinant d’imaginer combien ils dépensent plutôt que de payer les livreurs…)
Et si à Turin notre grande difficulté est d’élargir le nombre de camarades participants aux efforts de la lutte (la punition et la promotion généralisée de la concurrence produit ses fruits pourris), nous avons accueilli avec joie le début d’une mobilisation à Milan et les nombreux témoignages de solidarité de toute l’Europe.
En résumé : la direction, quitte à se tailler une sale réputation, ne veut pas négocier avec les travailleurs et cherche à les avoir « par la faim » ( il y a des collègues qui n’ont pas obtenus de tournée durant plus d’un mois, mais ce n’est pas considéré comme une punition puisque formellement on a pas mis fin à leur contrat…). Elle persiste à imposer le paiement à la commande et espère que la lutte va s’épuiser en comptant sur l’indifférence des clients et des employés. Nous avons obtenus quelques petites victoires, beaucoup de satisfactions, et continuons sur notre voie fait de solidarité et de refus de la précarité.
Et maintenant ?
Après plus d’un mois de lutte, en dépit des succès et des améliorations mineures pour les livreurs, la fatigue se fait inévitablement sentir et la couverture médiatique de la mobilisation à tendance à s’évanouir. L’élargissement de la lutte ( auprès de collègues d’autres entreprises de livraison alimentaire ou plus généralement de précaires) et des réflexions sur les nouveaux modes d’exploitation du travail précaire reste une priorité, ainsi que la diffusion de la critique de la rémunération aux pièces auprès des collègues réticents à participer à la lutte.
La marge de manœuvre en ce qui concerne la possibilité d’un dialogue avec la société se fait de plus en plus étroite et avec elle les chances de recevoir une prolongation de contrat pour ceux qui depuis le début de la lutte sont sanctionnés pour leur participation.
Mais s’ils peuvent être sur d’une chose à Foodora, c’est que les chefs, managers et mouchards ne s’en sortiront pas si facilement et que les moyens, la patience et la détermination pour saper cet ignoble dispositif numérique de caporalato (( terme difficile à traduire. En gros il s’agit de pratiques consistant à racketter une partie du salaire sous le prétexte qu’on a trouvé le travail pour la personne. Ces pratiques souvent associé à la mafia, d’embauche de main d’œuvre à bas coût, sont notamment utilisé pour les travaux agricoles.)) ne manqueront jamais.
Pour la solidarité, pour les sympathisants, les collègues et les camarades de partout, qui veulent continuer à nous soutenir, notre appel reste inchangé : démasquer Foodora, lui retirer son masque de coolitude et d’entreprise innovante et « smart ». Dénoncer le salaire au pièce et le caporalato. Susciter le débat sur le travail ultra-précaire, promouvoir les choix de consommation critiques et faire épanouir les pratiques de solidarité active. Mais surtout, poursuivre sur la voie de l’auto-organisation de la lutte.
Pendant des mois, nous avons étudié l’entreprise, nous avons vécu, nous avons souffert et nous avons compris ses forces et ses faiblesses.
Dans la lutte nous avons mis en commun intelligence, compétences pratiques, contacts utiles, liens et confiance.
Nous nous sommes connus et reconnus, nous sommes devenus quelque chose de plus que de simples collègues, quelque chose d’autres que des atomes circulant dans le trafic sous la direction d’un ordinateur.
Dans la lutte nous sommes devenus amis, complices, amants.
Nous avons reçus une solidarité inespérées.
L’enjeu n’est plus seulement d’arracher un contrat décent à un groupe de chacals ( qui en plus ont le culot d’essayer de passer pour des bienfaiteurs) mais aussi d’alerter sur ce monde souterrain ou, dans les zones grises de la loi, fort de la grande masse des chômeurs disponibles, prolifèrent des nids de nouveaux arrivistes.
Si cette lutte à un mérite, c’est sûrement celui d’avoir indiqué, justement là ou il est nié avec véhémence, le fossé infranchissable entre les exploiteurs et ceux qui, exploités, s’opposent à eux.
Turin, novembre 2016.
Deliverance project Torino. Page FB en suivant ce lien.
1Ndt : Probablement S. Marchionne, président de Ferrari.
2Ndt : DIGOS : Divisione Investigazioni Generali e Operazioni Speciali, les RG italiens
3Ndt: Rférence aux grèves des livreurs là bas, qui à réussit à mettre en échec une réforme de la rémunération.
4Ndt : Expression américaine. Littéralement « tempête de merde ».
Pour ceux que ces questions interessent une interview de Jerome du collecitf des livreurs engagés qui revient sur son parcours et les enjeux des luttes des uberises…
http://audioblog.arteradio.com/blog/3047541/egregore_radio/
Par ailleurs possedez la version originale de ce texte ?
Bien sûr, mais on veut pas la donner pour que vous ne repériez pas les erreurs de traduction ;).
Plus sérieusement, le texte est disponible ici: http://www.chicago86.org/lotte-in-corso/italia/piemonte/1050-foodora-quellinsanabile-solco-tra-chi-sfrutta-e-chi-sfruttato-gli-si-oppone.html