Le premier référendum d’entreprise fini jeudi 30 avril dans le RTE (Réseau de Transport de l’électricité). Ce dispositif créé par la loi Travail consiste à faire voter un accord par les salariés en contournant l’opposition du syndicat majoritaire.
Pour pouvoir être organisé, il suffit que ce référendum soit demandé par des syndicats minoritaires représentant qu moins 30 % des voix. En l’occurrence dans le cas présent la CFDT et la CFE-CGC (33,4% aux dernières élections).
Une mesure qui s’inscrit dans un long processus.
Depuis le début des années 80, on constate un glissement progressif du national vers le local, qui constitue une profonde remise en cause du modèle syndical français tel qu’il s’est construit, marqué par la centralité des mouvements sociaux d’ensemble. (36, 68…)
Ce glissement est accompagné par plusieurs dispositions légales. On peut citer les lois Auroux de 1982. Celle ci visaient à promouvoir la démocratie dans l’entreprise. Parmi les nouveautés apportées à l’époque, l’instauration d’une obligation annuelle de négocier dans l’entreprise, sur les salaires, la durée et l’organisation du travail.
Ces lois sont très largement rédigées par Martine Aubry, alors membre du cabinet de Jean Auroux.
Elles sont inspirées de la gauche chrétienne, en particulier des idées qui circulent au sein de la CFDT.
La loi travail de Myriam El Khomri au nom du gouvernement Valls, lui même se réclamant volontiers de Michel Rocard, s’inscrit dans cette continuité. Pas étonnant que la CFDT lui ai apporté son soutien.
Dans l’entreprise, c’est le patron qui est souverain.
A écouter les boniments des uns et des autres, on pourrait presque l’oublier. Pourtant, les patrons ne s’en cachent pas. Le régime en vigueur au sein des entreprises, c’est la dictature. Bien sûr, celle ci peut prendre des formes très différentes. Si la monarchie absolue est le lot des petites entreprises, celles de plus grandes tailles dispose d’assemblées élues : la principale, c’est le comité d’entreprise.
Celui ci est formé de représentants du personnel et syndicaux, ayant un mandat de 4 ans maximum. Il est présidé par l’employeur. En fait, on est un peu dans le cas de figure de la Russie tsariste après la révolution de 1905. Le tsar à lâché un assemblée élue, la douma. Il s’engage à la consulter sur les décisions importante.
Puis, il décide tout seul. Bah oui, le comité d’entreprise n’est que consultatif. Il émet des avis. Le patron n’a aucune obligation de suivre ces avis.
C’était pourtant inscrit sur le contrat de travail ! On appelle cela un lien de subordination. Il n’y a pas d’égalité. Dans ce contexte, une seule loi règne : la loi du plus fort. Tout l’enjeu pour les salariés est alors de constituer une force face à celle du patron.
Les référendums d’entreprise, des plébiscites dans la tradition bonapartiste.
C’est dans ce contexte qu’il faut replacer les référendums d’entreprise. Loin de renforcer le rapport de force des salariés, ils servent à mettre la pression sur ceux-ci.
Si on reprend l’analogie avec les régimes autoritaires, un exemple saute aux yeux : celui du plébiscite napoléonien. Ainsi, dans la tradition bonapartiste, il s’agit de faire ratifier par le « peuple »(( suffrage universel masculin, le peuple de l’époque n’inclus pas les femmes…)) les décisions du dictateur.
On peut citer plusieurs exemples le Premier et le Second Empire connurent ainsi un certain nombre de plébiscites, tous sans exception largement gagnés par le pouvoir. Instaurer le Consulat à vie en 1802, l’Empire en 1804 pour Napoléon 1er, pour ratifier son coup d’État en décembre 1851 ou encore pour le rétablissement de l’Empire en novembre 1852, en ce qui concerne Napoléon III.
Et on peut poursuivre cette analogie sur la nature même des mesures soumise à approbation, puisque dans les deux cas il s’agit en général d’un abandon de droits.
La force des prolétaires n’est pas dans les urnes.
L’autre enjeu de ce type de référendums, c’est bien entendu le désamorçage du conflit. En allant chercher l’acceptation par les salariés, en leur faisant consentir à une dégradation de leur situation, l’objectif c’est d’encourager la résignation, de créer des divisions entre eux.
Des salariés la tête sous l’eau, qui font l’objet de chantage à l’emploi. A qui on explique que c’est la crise et qu’il faut s’adapter. Qu’on cherche à diviser. Et a qui on donne à choisir entre plusieurs options toutes aussi puantes les une que les autres.
C’est fou comme ça rappelle les élections présidentielles.