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Guyane, au cœur de la tempête – 19h17.info Guyane, au cœur de la tempête – 19h17.info

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"Tempête de Neige" exposé en 1842 de J.W. Turner

Guyane, au cœur de la tempête

Le mouvement social en Guyane dure maintenant depuis trois semaines.  À mi-chemin entre bonnets rouges et grève générale de 2009 en Guadeloupe. Le reflet des tensions d’une époque lourde. Avec la défaite, toujours possible, mais aussi la lutte vivante et ce qu’elle porte de dépassement potentiel.

Nous sommes le soir du dimanche 2 avril. Stéphane Lambert, l’un des représentant du collectif « Pou Lagwiyann dekolé » (( Pour que la Guyane décolle)) s’adresse au micro de France 2. Il le dit tout net : c’est non. Non au milliard d’euros d’aides, proposé par le gouvernement.

« On va avoir des barrages au moins jusqu’à mercredi, jusqu’à la décision du conseil des ministres, qui j’espère saura accéder à nos demandes » explique… le président du Medef Guyane.

Oui, vous avez bien lu. L’un des principaux porte-parole du  mouvement de grève et de blocage, c’est le président du Medef local ! Du moins c’était l’un des principaux… car le Medef s’est retiré de la lutte. Mais nous y reviendrons.

Devant la foule, un cordon d’hommes vêtus de noir, cagoulés. Les 500 frères contre la délinquance, un collectif qui reprend les codes d’une milice. Leur porte parole et fondateur, Mickael Mancée (( Quelques citations: Un voleur mort, c’est un voleur qui ne vole plus » « Aujourd’hui, on dialogue. On fait tout pour empêcher une guerre civile. On est tous pères de famille, on n’en a pas envie… Mais si les voyous veulent la guerre, on la fera» )), est un policier en disponibilité, mais aussi un chanteur sous le nom de Mika (( Une chanson de revendication enregistrée le 28 mars dernier: )).

Derrière eux, une foule qui agite des drapeaux guyanais. Cette foule, c’est le peuple. Nous n’utilisons pas ce terme par hasard. C’est bien de peuple qu’il s’agit.  D’un amalgame de différentes classes et populations guyanaises, assemblées à un moment donné, dans une circonstance donnée, qui se constitue en tant que peuple.

Et c’est de cette constitution là, de ce qu’elle implique, qu’il nous faudra partir pour comprendre dans quelle impasse peut tomber le mouvement. Une chausse trappe, qui consiste à noyer la mobilisation vivante des travailleurs et travailleuses Guyanaises, avec ou sans emplois, dans les eaux glacées du calcul patronal. Le dévoiement de la révolte contre la situation d’exploitation coloniale vers le rejet des travailleurs migrants des pays voisins. Le focus sur une insécurité qui n’est qu’une conséquence de la galère dans laquelle se retrouve des milliers d’habitants. Pour autant, rien n’est joué. Et pour comprendre quelque chose à tout cela, il nous faut revenir un peu en arrière.

Une situation coloniale

Pour commencer, rappelons que la Guyane est une colonie. Que les ressources de ce territoire sont pillées ; son bois, son or, quittent le pays pour être vendus à l’international et enrichir la grande bourgeoisie française. Une colonie, c’est aussi un marché captif, ou les grandes entreprises françaises écoulent leurs marchandises à des prix plus cher encore qu’en Métropole.

Les marques ( Kellog’s, Maison du café, Lindt , Nivea, Lu…) et les grandes enseignes qui vendent tout ces produits d’importations (Carrefour, Géant, Darty…) sont des franchises (( Ici un état des lieux complet )), entre les mains d’une poignée de familles bourgeoises antillaises. Souvent des békés martiniquais. Ceux ci sont les intermédiaires : ils prennent leur part au passage. La majeure partie des profits fait sur le dos des guyanais repart néanmoins de l’autre côté de l’océan.

Le secteur BTP ( filiales de Vinci, Bouygues…) et celui de l’aérospatial, les plus dynamiques, sont directement contrôlés par la métropole.

Enfin, pour ce qui est de la bourgeoisie Guyanaise, elle a fait son beurre ces dernières années dans la spéculation immobilière. Elle s’est enrichie en vendant des belles maisons très chères, dans un contexte de flambée des prix du foncier. Elle détient aussi des petites et moyennes entreprises, dans le BTP, dans les transports et la logistiques, etc. Elle dépend beaucoup des commandes d’état et se plaint souvent de ne pas bénéficier d’assez de marché public. En effet, les petits patrons ne possèdent pas assez de capital pour assurer les appels d’offres qui demande d’avoir une grosse trésorerie. Ils sont donc souvent cantonnés à être des sous-traitants de sous-traitants de grands groupes français.

Pauvreté, vie chère, surexploitation…

Nous avons parlé des possédants. Quelques mots sur l’autre côté. La situation de notre classe, c’est bien souvent la misère. Le chômage est élevé, les revenus, les salaires sont plus faibles, la bouffe et le logement plus cher, les hôpitaux vétustes et mal dotés et souvent, les galériens n’ont même pas un accès correct à des nécessités vitales comme l’eau potable(( Citons quelques données: 46 000 personnes n’ont pas accès à l’eau potable. Le taux de chômage est de 22,3 % et de 44 % pour les 15-24 ans. Le revenu annuel moyen est inférieur de plus de 44 % à celui de l’hexagone et les bénéficiaires des minima sociaux sont trois fois plus importants. Les prix à la consommation y sont supérieurs de près de 12 % et cet écart augmente pour les produits alimentaires (45 %) et pour les logements (20 %).))

Cela bien sûr, découle de la situation coloniale. C’est parce qu’il s’agit d’un marché captif que les prix sont plus hauts. C’est du fait de la spéculation immobilière que les logements sont plus chers. Ajoutez l’arrivée de nombreux travailleurs en provenance d’Haïti, en particulier depuis la récente catastrophe qu’à vécu l’île, vous obtiendrez des bidonvilles sur des terrains souvent squattés. Ajoutez y encore la flambée de l’extraction clandestine d’or ((La Guyane abrite près de 350 sites d’orpaillage illégal, employant entre 5 000 et 10 000 personnes. Pour 900 personnes travaillant sur des sites légaux. L’orpaillage clandestin conduit, selon les estimations de la gendarmerie nationale, à l’extraction et l’exportation illégales de 10 tonnes d’or par an.)), poussé par la hausse des prix du métal jaune. Imaginez une ambiance far-west dans les zones d’orpaillages, avec quelques riches peu scrupuleux qui exploitent une dizaine de milliers de damnés de la terre. Rappelez vous ce que ça signifie aussi pour les populations amérindiennes, en terme d’expropriations, en terme aussi de pollution des eaux et des terres au mercure. Tout cela est plus encore compose les raisons de la colère.

Dans le tourbillon de la vie

Ce qu’il se passe en Guyane est un maelstrom. C’est la fusion de plusieurs courants, la mise en mouvement des différentes classes de la société guyanaise. Nous ne rentrerons pas dans les détails: on dissèque mieux les carcasses mortes et ce mouvement est bien vivant. Tentons un survol.

L’un des premier acte du mouvement en cours est parti de la mobilisation de cette petite et moyenne bourgeoisie dont nous parlions plus haut. Que voulait elle ? Tout simplement et gardons cela en tête c’est important, faire des affaires. Lutter plus pour gagner plus, mais d’un point de vue patronal. La mobilisation patronale s’organisait donc autour de trois demandes principales :

1. La rétrocession à la collectivité territoriale du foncier. Il faut savoir qu’en Guyane, 90 % des terres appartiennent à l’état français. Le transfert à la collectivité territoriale serait donc un véritable eldorado de la spéculation immobilière.

2. Combler les « retards structurels ». Sur le papier, cela ressemble à du bon sens. Il s’agit de demander à l’état d’investir dans les infrastructures en Guyane. Les hôpitaux, les écoles, les routes, etc. Mais cela signifie aussi du point de vue de ces petits patrons du BTP, bénéficier de juteux marché. Et dans ce cas, une école vaut bien un rond point.

3. Que les marchés publics profitent plus aux patrons locaux. Ces marchés sont bien souvent trustés par les grands groupes français, qui ne laissent aux patrons locaux que des miettes. Ainsi, l’un des déclencheurs de la mobilisation en cours, c’est le blocage par des patrons transporteurs de l’accès au Grand Port Maritime de Dégrad-des-Cannes. Il s’agissait d’empêcher plusieurs camions-toupies(( Camions servant au transport du ciment frais.)) appartenant à Eiffage, d’être livrés au chantier d’Ariane 6 afin de protester contre leur non-participation à la commande publique. Pour le Centre Spatial Guyanais comme pour le reste, les patrons demandent un Small Business Act, en résumé une plus grande part dans le partage des contrats publics.

Ceux qui se font appeler les « socio-professionnels » Guyanais ont donc profité de la venue de S. Royal mi-mars pour mettre la pression. Ils ont érigé un barrage devant l’entrée de la Collectivité territoriale de Guyane, ainsi que devant le port de commerce. N’oublions pas qu’il s’agit pour une bonne partie de patrons transporteurs, c’est à dire qu’ils possèdent des camions. Pratiques, pour bloquer. Ces camions sont aujourd’hui encore essentiels dans le maintien des points de blocages. Mais n’anticipons pas sur la suite. Nous étions alors le 15 mars.

Royal négocie donc avec eux et accède à une bonne part de leur revendications, notamment sur le foncier. (On retrouvera tout cela dans les accords de la semaine suivante). Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Un maelstrom, on vous dit.

Plusieurs forces sociales sont à l’œuvre.

D’un côté, nous avons ce collectif récent, les 500 frères. Il est difficile à classer. Une chose est sûre, il reprend les codes d’une milice. Son porte-parole est un ancien flic qui s’est mis en disponibilité depuis février. Créé en réaction à un nouveau meurtre, le collectif  est aussi réac dans ses revendications. Construction de nouvelles prisons, expulsions des migrants, éradication des squats. Il se veut une sorte de réaction de la société Guyanaise face à la violence et à la délinquance et va fortement marquer les esprits. C’est que porter une cagoule et être vêtu de noir, ça marche, c’est visuel. Nous sommes le 17 mars et ce collectif fait irruption en plein lors d’une réunion à la CTG (Collectivité Territoriale de Guyane), profitant eux aussi de la venue de S.Royal. Dehors, il y a toujours des camions qui bloquent, toujours des barrages.

Trois jours plus tard, le lundi 20, des salariés d’EDF bloquent le rond-point à l’entrée du Centre spatial guyanais, à Kourou. Ils sont en lutte pour des recrutements afin de combler des dizaines de postes vacants.  Ils réclament aussi une mise en état des infrastructures sur un territoire où les coupures sont fréquentes et où des milliers d’habitants n’ont pas l’électricité. Ils sont accompagnés d’un collectif, Les Toukans, qui revendiquent le gel de la vente de l’hôpital de Kourou par la Croix-Rouge à un opérateur privé. Conjointement, une grève à la société Endel Engie lancée lundi empêche le transfert de la fusée Ariane 5 sur son pas de tir. Le tout reporte le lancement de deux satellites, d’abord de quelques jours, puis, devant l’extension de la mobilisation, sine die.

Car il y a extension ! Les 500 frères déclarent rejoindre la mobilisation sociale générale, et poussent à la fermeture de l’ensemble des boutiques. Des barrages se multiplient aux ronds points, toujours à l’initiative des « socio-professionnels » et des 500 frères. Très vite, tout le territoire est bloqué.  Le syndicat UTG (Union des Travailleurs de Guyane) de l’enseignement vote la grève et bientôt les établissements scolaires sont fermés.

La population investit alors les barrages. Ce n’est plus le patronat qui bloque. C’est la Guyane. Ce sont les amérindiens qui descendent lentement le fleuve sur leurs pirogues, pour entrer en mouvement à leurs tour, contre l’orpaillage et le vol de leurs terres. Ce sont les travailleurs de toute la Guyane, et ils n’ont pas tous et toutes des papiers en règle. L’UTG appelle à la grève générale, qui commence le 27 mars.

A noter enfin que la délinquance est en baisse depuis le début de la mobilisation. Pas étonnant, les liens se tissent sur les barrages, la solidarité se construit.

Constitution du collectif « Pou Lagwiyann Dékolé »

« Qui sommes-nous?

Nous sommes, les habitants de Guyane
Nous sommes, le Peuple de Guyane
Nous sommes un.

Le 28 mars 2017
Nous nous sommes levés comme un seul homme pour proclamer notre unité
Notre détermination à construire un avenir meilleur pour la Guyane

Ce jour-là est né
Le Collectif “Pou Lagwiyann Dékolé” »

(Sur la page internet « Qui sommes nous » du collectif)

Le collectif se constitue à partir du 23 mars. Il rassemble pêle-mêle les syndicats de salariés, patronaux dont le Medef guyanais (( Qui n’est pas ici le syndicat du grand patronat, plutôt un syndicat de patrons petits et moyens. Par exemple, la fédération régionale du bâtiment n’est pas affiliée au Medef.)), des collectifs « citoyens » comme les 500 frères, etc. Ses différentes composantes se retrouvent dans des commissions qui visent à établir des cahiers de doléances. La référence à la révolution française est éclairante, nous sommes ici en plein dans cette constitution du tiers état.

Mais il va faire corps avec le mouvement à partir de la manif du 28 mars. Cette manifestation est un raz de marée. La plus grande jamais vue sur le territoire, au dire du préfet. ((Ici un lien vers une vidéo. Vous pouvez en trouver d’autres par vos propres moyens 😉 .)) C’est dans cette manifestation que se constitue l’unité du mouvement. Bien sûr, ce n’est qu’une unité idéologique à un moment donné. Mais l’idéologie est une force matérielle que nous aurions tort de sous-estimer. Elle va ici rassembler l’ensemble des composantes du mouvement, qui se retrouvent derrière le slogan « nou bon ké sa« , on en a marre.

Dans ce moment précis, il y a constitution d’une communauté de lutte, autour d’une révolte partagée. Cette notion de communauté de lutte est importante, car elle est inclusive, à l’inverse de la communauté qui vise à gérer la pénurie. Nous vous en avons parlé plusieurs fois sur ce site. Nous pensons que la dynamique de la défaite des exploités dans la période, c’est la gestion communautaire. Qu’elle suppose la constitution de communauté, repose sur l’exclusion des non membres ( sur une base religieuse, nationale, d’origine…) et la subordination des travailleurs « inclus ».

Cette dynamique gestionnaire est à l’œuvre dans le mouvement en cours en Guyane, c’est une évidence. Mais elle est loin d’avoir gagné. Car dans la constitution même du mouvement, il y a la potentialité d’un dépassement. Ce dépassement, il est en marche: c’est justement cet afflux de galériens et galériennes dans la lutte, d’origine guyanaise ou non. Et la pression à l’unité est alors tellement forte qu’elle va amener jusqu’au 500 frères à tenir un discours très différent :“nous sommes tous guyanais, brésiliens, surinamais, haïtiens…” “Nou tout guyanais”.((http://www.revolutionpermanente.fr/La-Guyane-apres-les-grandes-manifestations-du-mardi-28-mars))

De la même manière, le revival créole, très visible dans la mobilisation, est un dispositif identitaire d’exclusion autant que d’unité. Mis en avant notamment par le porte parole des 500 frères, utilisé aussi dans beaucoup de prise de paroles, il a une double fonction.  Il est à la fois usage d’une langue véhiculaire ( compréhensible par plusieurs populations) distincte du français, mais en partie compréhensible par les autres créoles caribéens, y compris les migrants haïtiens par exemple. Mais il réaffirme une identité spécifique, voire une centralité de Cayenne. On est donc là aussi au cœur des contradictions de ce mouvement.

Revenons au déroulé des évènements.

Nous ne pouvons pas revenir sur l’ensemble des faits. Il y a matière à un livre, au moins, et ce n’est pas le moment de l’écrire qui plus est. Alors nous allons nous dépêcher un peu.

Le collectif s’organise par commissions thématiques. Les principaux thèmes retenus seront: Économie, Éducation, Énergie, Foncier, Insécurité, Peuples autochtones et Santé. Tout autour, c’est l’ébullition, de nombreux collectifs se constituent et rejoignent la plateforme.  Celle-ci agrègent les revendications de tous, dans un vaste mélange ou l’on trouve à la fois l’appel à des mesures sécuritaires, pro-patronale, mais aussi pour la santé, l’éducation…

Les négociations avec les représentants du gouvernement sont parsemées de péripéties. Ils sont forts, les reptiles qui nous gouvernent. Le côté très « techniques »des cahiers de doléances est aussi un profond désavantage. Il amène le gouvernement à répondre sur un terrain favorable, celui des expertises. C’est d’ailleurs cet angle qui servira de point d’entrée aux élus Guyanais. Eux qui avait été mis hors jeux, sont revenus dans la partie en arguant de leur « expertise ». Reste qu’ils n’ont pas la main.

L’état va mettre une enveloppe sur la table, dont une bonne partie avait en réalité déjà été proposé au patronat. Il va aussi céder sur quelques demandes urgentes à l’origine de la lutte, comme sur l’hôpital de Kourou. Mais c’est bien peu. Et même les garanties sur l’hôpital sont insuffisantes.

Medef : prends l’oseille et tire toi.

Dans les jours qui suivent, la mobilisation va se poursuivre. Mais les premières dissensions arrivent. Une partie des patrons cherchent à se retirer, s’estimant à la fois en partie satisfaite des miettes grattées, mais aussi tout simplement parce qu’ils perdent de l’argent dans les blocages.

Au lendemain de l’occupation d’une salle du centre spatial, le Medef, (depuis plusieurs jours sous la pression du national, mais qui utilise aussi cette pression pour se dédouaner) se retire du mouvement et appelle à lever les blocages. Il semble qu’il ait obtenu satisfaction sur une demande de moratoire de paiement des cotisations sociales. En clair, prend l’oseille et tire toi. Et pas n’importe quelle oseille : il s’agit de ne pas payer les salaire indirects, les cotisations sociales.

Pour autant, les barrages sont maintenus. Hier, jeudi, les pompiers de l’aéroport Félix-Éboué ont cessé toute activité. Jusqu’à aujourd’hui, ils assuraient un service minimum.  Le moment se rapproche ou les antagonismes de classe s’exprimeront de nouveau.

Car il n’y a pas d’avenir dans ce que propose le patronat Guyanais. Seulement le maintien de la situation existante, agrémentée d’un peu plus de subventions et de marchés publics pour perpétuer leur emprise clientéliste sur les populations locales. Une partie du patronat est encore partie prenante de la mobilisation : les transporteurs. Reste à savoir jusqu’à quand. On peut avancer l’hypothèse que si la mobilisation continue, eux aussi récupèreront quelques miettes. Sur le prix du carburant comme en 2009 ? Nous verrons.

Nous allons donc sûrement vers la fin de l’unité du « peuple ». C’est aussi le moment ou apparaissent crument les réalités des enjeux : pour certains, il s’agissait de ramasser un peu plus de marges. Les calculs patronaux dont nous parlions plus haut.

« Quand j’entends le mot peuple

… Je me demande quel mauvais coup on prépare contre le prolétariat » disait Marx paraît-il. Et nous ne nous lassons pas de le répéter, aujourd’hui que ce terme est sur toute les lèvres politiciennes.

Nous l’avions avancé dans un article récent((« Ici et là, on se rassemble sur les places publiques, on demande du revenu à l’état, on agite les drapeaux nationaux, on tambourine sur des casseroles. Il est temps de redistribuer mieux, plus équitablement, les miettes. Il est temps que l’État fasse son travail. (…)  La redistribution de l’État se fait sur la base de la communauté nationale. Elle repose donc sur l’exclusion du partage pour les non-nationaux et la redéfinition de ce qui est national et ce qui ne l’est pas. (…) Et n’oublions pas que le prix à payer, c’est la domestication. En échange du maintien d’un certain niveau de redistribution, la contrepartie c’est la flexibilité, la baisse des salaires, l’obligation de cumul d’emplois. » Pour aller plus loin, lire notre article 2017 avis de tempête. )). Une des tendances de la période, un piège, une trappe à mobilisation, repose sur la mobilisation du peuple sur la question de la distribution du revenu par l’état. Pourquoi un piège ? Car le résultat c’est la stérilisation de la lutte de classe, la domestication des prolétaires, la solidarisation de ceux-ci avec leurs patrons… Mais aussi l’exclusion d’une partie des galériens du partage des miettes.  Cette trappe, c’est ce qui guette la Guyane si, comme un funambule sur son fil, elle arrête d’être en mouvement.

Pourtant… que la Guyane est belle

Nous ne savons pas ou ce mouvement ira. Mais nous pouvons d’ores et déjà en tirer de précieux enseignements. Nous avons devant nous la défaite potentielle telle que cette période la porte. Le peuple, l’identité, la subordination au patronat.

Mais nous pouvons aussi discerner, en dessous, faisant trembler le sol, la sourde mobilisation de forces sociales gigantesques. Toutes celles et ceux qui n’ont rien à gagner à l’arrêt de la lutte, les exploités, qui se retrouvent dans le cri de colère « Nou bon ké sa ! ».
Seront-ils et elles assez fortes cette fois ? Conjureront-ils le spectre de la défaite et du retour à l’existant et sa misère ? Ce n’est pas à nous d’y répondre.

Nous leur envoyons, par delà les mers, tous nos vœux révolutionnaires.

 

 

 

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