C’est le modèle de sortie de crise mis en avant par la plupart des économistes. De nombreux candidats à la présidentielle en parlent en permanence. Selon eux, la situation actuelle aux États-Unis est loin de celle de 2007. L’économie s’est redressée, les investissements sont repartis à la hausse tout comme le Dow Jones et le pays atteint le plein emploi. En effet, les statistiques du Bureau of Labor Statistic (BLS) révèlent un taux de chômage aux Etats-Unis de 4,7%. Mais que cachent réellement ces chiffres et dans quel état réel est l’économie américaine actuelle.
Le réel taux de chômage aux Etats-Unis
Mai 2010, deux ans après le début de la crise, le taux de chômage atteignait les 10%.
Février 2017, la courbe passe aujourd’hui en dessous des 4,7%. Ces chiffres ont de quoi faire rêver de nombreux politiques dont l’utilité, et la réussite est souvent mesurée à l’aune des résultats mensuels du chômage.
Mais quand on regarde d’un peu plus près, on voit que le capitalisme américain est loin d’aller mieux. En effet, le calcul de ces statistiques met de côté une forte augmentation de la population considérée comme « inactive », mais non-chômeuse. Aux États-Unis, 251 millions de personnes sont en âge de travailler, mais seulement 157 millions apparaissent dans les chiffres lorsque l’on compte les travailleurs plus les sans-emplois. En fait, seulement 62% de la population en âge travaille ou cherche un travail. C’est historiquement bas et inférieur à tous les autres pays développés. Pour exemple en 1968, le taux de participation était de 96%. Bref si l’on compte les personnes, de plus en plus nombreuses, qui ont renoncé à chercher un emploi, les chiffres officiels de 4,7% sont loin de la vérité. En réalité, c’est plutôt entre 10% et 15% de la population active américaine qui est aujourd’hui sans-emploi. Et encore, dans ces chiffres on ne prend pas en compte les temps partiels à très peu d’heure et autre chômage partiel qui alourdissent encore les statistiques.
Mais quelles sont les causes de ces renoncements au travail :
- Une explosion des maladies et invalidités. Selon ces mêmes statistiques 57%, de ces personnes qui sont en dehors des chiffres du chômage sont en maladie. Ce qui veut dire tout de même près de 54 millions de personnes. Le taux de mortalité est également en hausse. Les analystes citent pêle-mêle « les armes à feu, les overdoses liées à la drogue, les suicides, la maladie d’Alzheimer, l’hypertension((http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/06/01/le-taux-de-mortalite-aux-etats-unis-en-hausse-pour-la-premiere-fois-depuis-dix-ans_4930631_3222.html)) », l’obésité ou encore le diabète pour expliquer le phénomène. Pas un seul ne met en relation ces statistiques avec la productivité au travail, la baisse des salaires et les pressions à la rentabilité qui pèsent sur les salariés. Alors même que ces dernières ont explosé en même temps que le nombre de maladie et de décès aux USA depuis le début de la crise.
- Une grande partie de la population qui a renoncé au travail. 40 millions de personnes sans emplois ont abandonné à chercher un travail et tentent de survivent comme ils le peuvent. La baisse des chiffres du chômage aux États-Unis cache donc une véritable paupérisation des plus pauvres.
Des bons alimentaires généralisés, mais de plus en plus difficiles à toucher.
Cette paupérisation progressive du prolétariat des USA est particulièrement visible lorsque l’on met en relation les chiffres corrigés du chômage et le nombre de bénéficiaires du programme SNAP (Supplemental Nutrition Assistance Program).
C’est le nom actuel du plus grand programme d’aide alimentaire fédéral des États-Unis aussi connu sous le nom de Food Stamp Program. Ce sont des bons alimentaires sont bénéficient les plus démunis (gagnant moins de 973$ par mois). Depuis 2011, le nombre de bénéficiaires a considérablement augmenté alors même qu’à partir de cette période, l’état américain annonce en grande pompe des reculs successifs du chômage. En 2015, 15% de la population bénéficiait du SNAP, ils n’étaient «que» 9% en 2008 et 12% en 2011((http://www.economiematin.fr/news-etats-unis-taux-chomage-travail)).
Mais en 2016, le gouvernement américain a trouvé la solution à cette pauvreté généralisée. Il a tout simplement choisi de radier plus d’un million de personnes du programme SNAP. Comme ça, ça fait baisser les chiffres et réduire les coûts. En effet dans 22 états le versement des bons alimentaires a limité à des conditions de plus en plus draconiennes pour pouvoir les touchers. Dans l’État du Maine par exemple pour avoir le droit de survivre il faut soit :
- Être handicapé reconnu,
- Être en formation,
- Avoir travaillé au moins 20 h par semaine
- Ou encore, réussir à justifier une recherche d’emploi de plus de 24h dans le mois. Si le nombre de CV déposés n’est pas suffisant, plus de bons alimentaires((http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article33934))
En cas de non-respect de ces conditions, l’accès aux bons est coupé pendant 3 ans. Du coup les économies réalisées ont été substantives et de nombreux pauvres sont radiés du programme.
Trump veut continuer cette dynamique puisqu’il a annoncé une baisse de 21% du budget du ministère de l’Agriculture dont la principale tâche est de gérer le programme SNAP((http://www.laterre.ca/actualites/international/trump-veut-couper-budget-agriculture-de-21.php)).
L’impact sur les salaires
Mais si de plus en plus d’Américains sortent du marché du travail, c’est parce que les salaires des plus pauvres se sont effondrés depuis 2007. En effet, pour les 15% plus faibles revenus du pays, entre 2007 et 2010, le salaire moyen a baissé de 12%((http://www.les-crises.fr/inegalites-revenus-usa-3/ graphique Evolution des revenus moyens par quantiles aux Etats-Unis 1996-2010 chiffre de Piketty, Saez.)). Depuis 2010, il n’est toujours par reparti à la hausse. Pendant ce temps-là, le coût de la vie explosait ((Plus 12% entre 2007 et 2013 http://france-inflation.com/prevision_inflation_en_france.php)) notamment à cause de la politique de la planche à billets prônée par la banque centrale américaine (les trois campagnes de Quantitative Easing).
L’impact sur les prolétaires américains les plus pauvres a été considérable. La crise de 2007 leur ont fait perdre leur maison, saisie par la banque et ils se sont fait virés de leur ancien travail. Derrière, les salaires s’effondrent et le seul boulot qu’ils sont en capacité de retrouver est payé une misère. Pendant ce temps-là, les loyers et les denrées sont de plus en plus chers. Les seuls jobs disponibles peinent à payer les frais nécessaires pour les avoir (voiture, essence, assurance, nourriture). Du coup, la plupart renoncent à ce type de travail et cessent de chercher. Ils survivent tant bien que mal grâce aux bons alimentaires jusqu’à ce qu’ont les leurs supprime en 2016 pour ne pas avoir travaillé assez longtemps…
16% de la population américaine vie aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté et là encore les chiffres semble largement sous-estimés ((https://www.usnews.com/news/articles/2014/01/06/50-years-later-a-war-over-the-poverty-rate))
Mais pendant ce temps-là, les chiffres officiels du chômage aux Etats-Unis baissent donc tout va bien…