Le contrôle social et la répression sont là afin de préserver l’ordre établi. Ces fonctions comptent parmi les principales de l’état, que l’on oublie trop souvent. Cet article fait un inventaire des forces de répressions : police, juges, prisons, armées… Quels sont leurs effectifs ? Quel est leur budget ? Leur rôle ? Et surtout : Est-il possible de mettre en échec cette machine de répression ?
La répression combien de divisions?
Une des prérogatives de l’Etat est le monopole légitime de la violence. Concrètement, cela veut dire qu’une des fonctions de l’état est d’exercer de la violence sur les citoyens d’autres pays, mais surtout sur ses propres « citoyens » ou plutôt sujets. C’est ce qui rend l’état si utile à la classe dominante : cette force permet de maintenir l’ordre.
Certains corps spécialisés vont avoir comme seule fonction d’exercer cette violence. En France, il y en a trois principaux: la police, l’armée et la justice. Nous allons ici décrire ces institutions chargées de « maintenir l’ordre ». On va commencer par la police
La police
De son côté, la police a pour vocation d’exercer la souveraineté de l’état en direction de la population de l’Etat : sur les « citoyens ». Plus que le combat mortel ((Bien que des décès soient occasionnés par son action.)) contre des ennemis, sa vocation est le contrôle de la population. L’objectif sera d’assurer le « respect de la loi », et surtout de contraindre par la violence à son respect. Les armes de la police sont l’interpellation, la verbalisation,, l’utilisation de méthodes de maintien de l’ordre (coups et diverses violence) voire l’usage de la force mortelle dans certaines situations.
Les personnes sur lesquelles la violence policière s’exerce ne sont pas des combattants, mais des sujets politiques de l’Etat. La police est donc la force et la violence au service du contrôle social. Le maintien de l’ordre est l’action de la police spécifique aux foules et aux troubles à l’«ordre public ».
Il convient de noter qu’en France, la police est partiellement militarisée, de même que le maintien de l’ordre : si la Gendarmerie et la Gendarmerie mobile exercent des fonctions de police « classiques » sous la tutelle du ministère de l’intérieur ((« Police gendarmerie : fusion, Ministère de l’intérieur, statut, militaire, fonctionnaire. En bref – Actualités – Vie-publique.fr », [En ligne : http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/police-gendarmerie-rapprochement-officialise.html]. Consulté le20 août 2013.)), elles n’en restent pas moins des unités militaires.
A part l’injonction verbale, la police peut forcer à obéir par plusieurs moyens :, exercice de force physique (coups, gaz…), interpellation suivis de détention temporaire, et enfin transfert aux institutions judiciaires qui détiennent la possibilité d’infliger des sanctions plus lourdes : principalement des peines de prison. En effet, la police est le bras armé du pouvoir judiciaire qui « applique la loi ».
Il est intéressant de revenir rapidement sur le développement historique de la police. On y voit que celle-ci ne s’est pas developpée pour « protéger les citoyens », comme une avalanche de mauvaises séries et de discours sécuritaires pourrait nous le faire croire.
En effet, le développement de la police sous sa forme moderne se fait autour de deux missions. La première est développée par Louis René d’Argenson et Gabriel de Sartine, lieutenants de police de Louis XIV. C’est la « haute police », c’est-à-dire la surveillance des activités politiques, et leur répression le cas échéant. Ainsi le premier travail de police sous Louis XiV est un mélange surveillance, de type RG et de répression de type KGB. Le Masque de fer et l’enfermement de l’Intendant Fouquet font partie des premiers actes de la police moderne.
La deuxième mission qui apparaît plus tard est la « basse police » ou police ordinaire. Elle est théorisée par Sir Robert Peel qui réorganise sur ce modèle les forces de police métropolitaine de Londres en 1829. Ses missions sont la lutte contre le « désordre » et le crime de « droit commun » ((Ibidem, p. 237.)). En gros, cela consiste en l’encadrement et la répression des quartiers populaires, toujours particulièrement fliqués.
De nos jours, ça n’a pas trop changé. Selon Dominique Montjardet, les forces de polices contemporaines axent leurs missions en trois grandes catégories.
- « Protection de l’ordre politique », maintien de l’ordre, contrôle des opposants politiques, lutte contre le « terrorisme ». Ça correspond à la « haute police » c’est-à-dire au contrôle et à la répression des opposants politiques.
- « Lutte contre la criminalité » (grand banditisme, proxénétisme, trafic de drogue). Ça, c’est ce qu’on voit dans les séries télévisées, et ça justifie le rôle de la police. Mais réellement, ce n’est qu’une petite partie du travail policier, et encore une grande partie de la criminalité organisée est tolérée plus que réprimée.
- « Sécurité publique » (Petite délinquance, fluidité de la circulation dans les espaces publics, protection de l’intimité dans les espaces privés, respect de l’intégrité physique). Cette partie-là correspond à la « basse police ». En gros, cela correspond au contrôle physique du territoire (routes, gares, villes), et plus particulièrement à la répression des illégalismes des classes populaires.
Le budget du ministère de l’intérieur en 2013 s’élève à 11,61 milliards d’euros ((« Budget 2013 : les ministères préservés », op. cit.)). En 2011, le ministère employait 102 877 gardiens de la paix ((« Effectifs policiers : le ministère de l’Intérieur corrige Hortefeux », [En ligne : http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20120817.OBS9838/effectifs-policiers-le-ministere-de-l-interieur-corrige-hortefeux.html]. Consulté le17 août 2013.)). Pour sa part la gendarmerie compte 100 488 gendarmes en 2014, soit un total de de 203 365, ce qui fait quand même 0,3% de la population du territoire français employée au contrôle social.
En ce qui concerne le maintien de l’ordre, les 67 compagnies de CRS et les 104 escadrons de gendarmerie mobile comptent respectivement 14 000 et 17 000 personnes, soit 31 000 flics. Ainsi près de 15,2% des policiers sont donc affectés spécifiquement au contrôle des foules et à la répression de divers mouvements, ce qui est beaucoup…
Les institutions judiciaires
Les institutions judiciaires travaillent en lien avec la police. Elles sont des institutions bureaucratiques. Elles vont appliquer des sanctions ou des arbitrages suivant des règles plus ou moins régulières. Le pouvoir judiciaire ordonne l’exercice de ce pouvoir sur la population par trois grands types de sanctions : injonction de payer des sommes monétaires, privation de liberté par emprisonnement et enfin différentes modalités de contrôle physique des corps des « sanctionnés » mais en dehors de l’institution carcérale : contrôle judiciaire, peines « alternatives » (semi-liberté, bracelet électronique), travail contraint (TIG).
La justice est en quelque sorte le service après-vente de la police, et contribue grandement à maintenir l’ordre social. Il faut par ailleurs remarquer que son rôle ne se limites pas à ça, mais va jouer un grand rôle dans la régulation des conflits entre personnes, au civil et au commercial. En 2013, Le budget consacré à la justice en France s’élève à 7,7 milliards d’euros (« Budget 2013 : les ministères préservés », op. cit.)), et emploie 8300 juges, tout une petite armée qui envoie à tour de bras en prison…
Ce qui est moins connu, c’est que de la justice dépend aussi l’administration pénitentiaire : et là encore cela concerne pas mal de monde :
Ainsi en janvier 2017, il y a 78 796 personnes sous écrou, c’est-à-dire en prisons et plus de près de 164 146 personnes suivies en milieu ouvert.
Ces personnes sont enfermées dans 186 établissements pénitentiaires : 82 maisons d’arrêt pour les peines courtes, 97 établissements pour peine, 6 établissements pénitentiaires pour mineurs, 1 établissement public de santé national à Fresnes (ou prison-hopital).
Les forces militaires
Enfin, l’armée exerce son pouvoir sur les ennemis extérieurs pour défendre la souveraineté de l’Etat. Elle est habilitée à tuer les « combattants ennemis ». Ceux-ci peuvent les membres d’autres armées mais aussi des « partisans », c’est-à-dire des combattants utilisant des stratégies de type guérilla, dans ce cas-là, il n’y a que peu de différences entre combattants et population civile. Par ailleurs la distinction entre population civile et combattants a tendance à s’estomper avec l’émergence de catégories comme celle de « terroriste » qui mène à une hybridation entre politique et militaire. Ainsi les militaires sont maintenant déployés massivement dans les rues dans le cadre de l’opération « Sentinelle » dont l’utilité contre le djihadisme est très discutable. Par contre son utilité dans le fait d’habituer la population à voir des soldats en armes quadriller le territoire est incontestable…
Par ailleurs n’oublions pas que les militaires sont de plus en plus frequemment formés au « maintien de l’ordre », signe de cette hybridation croissante entre militaire et policier…
De nos jours, en France, l’armée est soumise au gouvernement. Elle est seulement un corps d’Etat et n’exerce pas le pouvoir en tant que tel. Néanmoins ce n’a pas toujours été le cas et il est possible que l’Armée prenne le pouvoir par la force. En France c’est le cas sous le Premier Empire, de même l’Armée n’est pas étrangère non plus à l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle en 1958. Dans d’autre pays, notamment en Amérique Latine, en Asie et en Afrique les coups de force militaire sont courants.
Le budget de la défense en France s’élève à environ 30 milliards d’€ soit 1,5% du PIB pour un effectif de 296 493 personnels employés par le ministère de la Défense.
Est-ce suffisant ?
Cet inventaire de la répression parait au premier abord glaçant. Comment s’opposer à des centaines de milliers d’hommes et de femmes payés à réprimer ? Pour une poignée de révolutionnaires, la question est réglée : quelques centaines de personnes, fliquées en permanence, mal organisées, dotés de peu d’argent, n’ont guère de chance de l’emporter face à l’état…
Par contre, dans le cadre de mouvement sociaux de masse, voire de mouvements révolutionnaires, les choses sont tout autres… De par le poids des missions quotidiennes, de par la surpopulation carcérale, de par le manque de moyens chronique face à une contestation impliquant non pas des centaines, ou des milliers de personnes, mais des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de personnes l’état pourrait se retrouver très vite débordé…
C’est particulièrement flagrant en ce qui concerne le maintien de l’ordre. Au premier abord 31 000 policiers est une somme impressionnante. Pourtant, quand on y regarde de plus près, les choses sont moins évidentes… Ainsi 30 à 40% des CRS et gendarmes mobiles ne travaillent pas au maintien de l’ordre mais à des missions logistiques d’appui… Si l’on y rajoute les troupes au repos, celles dans les DOM-TOM et difficilement déplaçables, et celles affectées de manière fixe comme à Calais, en Corse ou dans les ZADs, le nombre de policiers immédiatement disponibles baisse drastiquement… Selon certaines sources, ce chiffre s’établirait autour de 2 000 policiers et gendarmes ((https://blogs.mediapart.fr/edition/revoltes/article/240413/31-000-pas-suffisamment-de-forces-de-repressions-en-france-pour-tenir-face-aux-manifestations)).
Ainsi, face à un mouvement d’ampleurs ce ne sont pas 31 000 CRS et gendarmes mobiles qui seraient disponibles mais quelques milliers… Ainsi pendant la loi travail, le 14 juin, face à un cortège de tête à Paris comptant une dizaine de milliers de manifestants, la préfecture de police a aligné un peu plus de 2000 flics, soit l’ensemble des effectifs disponibles immédiatement…
Pour ceux qui y étaient le dispositif policier était à la peine et n’a réussi à contenir les manifestants que péniblement, montrant les limites du maintien de l’ordre… Face à un mouvement d’ampleur, avec non pas dix mille manifestants dans un cortège de tête limité à Paris mais des dizaines de milliers dans les grandes et moyennes villes de France et des DOM-TOM, ce dispositif pourrait aisément craquer… A nous de jouer et de nous poser les bonnes questions…
Merci pour ces infos. Point de détail : le titre n’est vraiment pas clair. Plus important : l’évolution de l’équipement : n’affronter même que 2000 policiers peut être une opération beaucoup plus compliquée en fonction de leur armement. Je pense notamment aux camions anti-émeutes dont le déploiement en juin dernier équivalait à un grand nombre d’humains. Et ces machines n’étaient pas vraiment ouvertes à la discussion.