Dès le début de l’été, les annonces gouvernementales se sont succédé sur le non-renouvellement des contrats aidés. L’excuse avancée est un budget précédent trop faible pour la politique de signatures réalisé par le précédent gouvernement. En effet, les contrats aidés ont toujours été utilisés par les gouvernements socialistes, à l’approche des élections pour faire baisser les chiffres du chômage (voir première partie). Même si le prétexte semble donc vrai, décider de ne pas effectuer une rallonge budgétaire pour permettre le renouvellement des contrats fait partie du plan d’austérité d’ampleur visant à faire 20 milliards d’euros d’économie par an.
La fin des contrats aidés ?
Concrètement c’est au minimum 40% des contrats qui ne seront pas renouvelés. Le but étant de très rapidement retomber à 280 000 contrats((http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/09/12/contrats-aides-le-gouvernement-s-apprete-a-proceder-a-un-plan-social-de-150-000-emplois-en-quelques-semaines_5184473_3232.html)). De plus, rien de dit que cette baisse ne continuera pas en 2018. En réalité, c’est face à la grogne et à l’incompréhension montante, que le gouvernement a rapidement annoncé que certains contrats notamment ceux concernant le handicap, l’outre mer et les « secteurs d’urgence » allaient être renouvelés. En effet, 56 000 AVS (auxiliaires de vie scolaires) chargés d’aider les enfants handicapés à l’école sont sous contrat aidé((http://www.faire-face.fr/2017/08/24/contrats-aides-handicapes/)). Dans les DOM-TOM et principalement à la Réunion, plusieurs manifestations contre la baisse du nombre de contrats aidés ont été organisées avec une forte participation des maires((http://www.tahiti-infos.com/Contrats-aides-manifestation-de-la-quasi-totalite-des-maires-de-La-Reunion_a163544.html)). Pour le moment les seuls contrats à être renouvelés semble effectivement être les contrats d’associations s’occupant des migrants, les AVS handicapés et ceux signés en outre-mer.
L’alternative : plus de précarisation et l’auto entrepreneuriat
Mais même sans ces nouveaux contrats, les associations et les administrations auront toujours besoin de tourner. Du coup, cela ne veut pas dire pour autant que les 190 000 contrats non renouvelés vont conduire immédiatement au chômage pour ces travailleurs. Un premier problème d’ampleur se pose au niveau des TAP, les temps d’activité périscolaire mis en place suite à la réforme des rythmes scolaires de 2014. De nombreuses municipalités sont repassées à la semaine d’école de 4 jours, car les activités périscolaires deviennent presque impossibles à mettre en place sans les contrats aidés. Les grandes villes par contre restent sur la semaine de 4,5 jours. Il faudrait un accord unanime entre chaque maire de secteur pour changer de nouveau le rythme scolaire. Les jeu de pouvoirs entre partis rend presque impossible ce genre d’accord.
Dans l’urgence et pour permettre de finir d’honorer les contrats passés avec les mairies au niveau de ces TAP, certains contrat de travail sont requalifiés en CDD. Mais la plupart des assos n’ont pas les moyens sur le long terme de payer entièrement les salaires de tout les employés dont elles ont besoin pour fonctionner. Il est donc d’ores et déjà clair que ces CDD ne seront pas renouvelés.
À moyen terme la solution semble déjà avoir été trouvée par de grandes fédérations d’associations étiquetées « à gauche » comme Léo Lagrange.
- Soit elles font signer à leurs animateurs des contrats de 4 heures par semaine. Elles les font travailler en heures supplémentaires voir carrément à l’activité uniquement lorsqu’elles ont besoin d’eux. C’est l’équivalent des contrats zéro heure en vogue au Royaume-Uni (utilisés notamment dans les fast-foods, les collectivités locales ou la santé) et qui ont massivement participé à précariser une grande partie des travailleurs. La perspective à moyen terme c’est donc les mêmes contrats qu’à Deliveroo, imposés à 470 000 travailleurs.
- Soit elles forcent carrément leurs animateurs à passer en statut d’auto entrepreneurs. Ils sont alors payés uniquement à la prestation lorsque l’asso a besoin d’eux. C’est l’Uberisation totale : plus aucune cotisation pour le chômage, la Sécu ou la retraite et plus aucune assurance d’avoir un salaire à la fin du mois.
De plus, avec les ordonnances de la loi travail 2 (voir notre article sur le sujet ici), une nouvelle possibilité arrive pour les patrons d’assos et autres gestionnaires d’administration : Le recours aux CDI-Projet. Cela va leur permettre de n’embaucher que le temps d’un contrat passé avec la mairie. Par exemple, si le partenariat pour les activités périscolaires n’est pas renouvelé pour l’association, le contrat de travail saute pour l’animateur.
Cela veut donc dire encore plus de précarisation et une baisse de salaire pour des travailleurs qui gagnent déjà moins de 750€ par mois pour un 20 heures (ce qui reste la durée de contrat la plus utilisée).
Une autre alternative : la lutte.
Si de nombreux CIU-CAE ont été requalifiés en CDD suite à leur non-reconduction, c’est également souvent grâce aux travailleurs qui se sont organisés pour faire pression sur leur direction. Plutôt que d’attendre de savoir lesquels allaient retourner au chômage, ils ont créé un rapport de force pour que tous soient embauchés en contrat classique. Qu’importe ensuite la santé financière de l’association, ils ont choisi de faire primer la solidarité de classe.
Car les gestionnaires et directeurs d’associations utilisent la corde sensible de la situation délicate de leur entreprise pour calmer leurs employés. A l’instar des petites entreprises, les travailleurs s’identifient souvent à la petite structure où ils travaillent et le phénomène de culpabilisation en cas de grève ou de demande d’augmentation de salaire y est décuplé. Les patrons d’associations se présentent d’ailleurs souvent comme des employés comme les autres, alors qu’ils sont en réalité des chefs de petites entreprises à statut associatif.
Beaucoup peuvent même assurer leur solidarité à une lutte contre la fin des contrats aidés… Enfin tant que la lutte ne remet pas en cause les activités quotidiennes de l’entreprise ou qu’elle n’exige pas des contrats qui coûteraient plus cher à l’association. Les seules assos dont les travailleurs ont réussi à se faire requalifier leur contrat par un rapport de force, sont celles dont les concernés se sont organisés en refusant que leurs patrons participe à cette organisation.
Plus largement, des collectifs et syndicats se sont également montés de travailleurs de l’associatif((https://www.facebook.com/syndicat.asso13/)) et font valoir leur revendication particulière au sein des manifs contre les ordonnances de la loi travail. Mais lorsque les patrons d’associations y participent, l’on assiste alors à une situation paradoxale. Même s’ils peuvent être contre la fin des contrats aidés, ils ont un intérêt matériel direct à la mise en place des CDI-Projet et des référendums patronaux contenus dans la nouvelle loi travail.
Mais plus largement les enjeux de lutte se trouvent dans la nécessité de dépasser la seule question associative sur la question. Les contrats aidés ne concernent pas que les CUI-CAE et pas seulement les associations. Les non-renouvellements ont également lieu dans les boites privées, l’apprentissage et les administrations. Jusqu’alors les mobilisations sur le sujet ont été principalement organisées d’un côté par les salariés d’association concernés (principalement les associations culturelles), de l’autre par les maires de communes soucieux de leur administration locale. lorage
La solution n’est pas dans le rapprochement de ces deux camps dont les intérêts sont radicalement opposés. Les maires luttent pour continuer à pouvoir embaucher une main d’œuvre administrative à bas coût, si possible précaire, pour qu’elle soit plus docile et redevable envers eux. Les travailleurs en contrat aidés luttent pour éviter une précarisation encore plus grande de leur statut, parfois même pour obtenir une amélioration. Peut-être qu’une des solutions consisterait plutôt à tenter de faire le lien avec les autres travailleurs non-associatif concernés. Mais également avec les travailleurs qui sont déjà dans le statut promis aux anciens contrats aidés et qui sont déjà en lutte. Les livreurs de Deliveroo, UberEat et Foodora par exemple.