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Histoire du magonisme et de l’anarchisme au Mexique – Part IV: Le champ et la ville

Suite et fin de l’article de Claudio Albertani – traduit par PJ Cournet – retraçant l’histoire de l’anarchisme au Mexique (Partie 3 disponible ici). Un vent révolutionnaire souffle depuis les terres agricoles. Conjointement à l’anarchisme, un nouveau courant apparaît, derrière la figure d’Emiliano Zapata.

Le champ et la ville

Avec Práxedis tué et le noyau dirigeant en prison, la révolution libertaire est décapitée. Pourtant, un nouveau foyer surgit dans la ville de Mexico. En 1912, le Grupo Luz, éditeur de la revue éponyme, chez qui on trouve, entre autres, Jacinto Huitrón et les internationaux Eloy Armenta (espagnol) et Juan Francisco Moncaleano (colombien), fonde une école rationaliste inspirée de la pédagogie anarchiste. Ce groupe est à l’origine de la Casa del Obrero, centrale née avec l’objectif de lutter contre l’exploitation des travailleurs et pour la socialisation des moyens de production selon les principes anarcho-syndicalistes. Les débuts sont prometteurs.

Le premier mai 1913, en pleine dictature de Victoriano Huerta, la Casa organise une manifestation offensive pour exiger la journée de huit heures et commémorer les martyrs de Chicago, une première au Mexique. Elle adopte alors le nom de Casa del Obrero Mundial, en hommage à la solidarité internationale. Les mois suivants, quelques-uns de ses membres comme l’anarchiste français Octave Jahn et le magoniste Antonio Díaz Soto y Gama se déplacent au Morelos pour rejoindre l’armée d’Emiliano Zapata. Malheureusement, c’est aussi au début de 1915 que s’accomplit la rupture entre les deux groupes révolutionnaires : une partie de la COM opte pour s’allier aux forces constitutionnalistes de Venustiano Carranza contre la volonté de la majorité. En échange de garanties qui se révéleront finalement mensongères, 67 dirigeants signent un pacte ouvertement contre-révolutionnaire et forment les « bataillons rouges » destinés à combattre les armées paysannes de Pancho Villa et Zapata. Cette alliance sera très brève, les constitutionnalistes se chargeant de la rompre mais elle implique la trahison des principes révolutionnaires et constitue le lamentable précédent d’un syndicalisme régi par le nationalisme et mis sous tutelle de l’État.

Cette même année circule le texte du géographe anarchiste Élysée Reclus, À mon frère paysan, qui fut très certainement fort apprécié des révolutionnaires du Morelos. Et de fait, l’utopie s’était déplacée vers le sud. Il est vrai que Zapata ne s’est jamais déclaré anarchiste mais le mouvement qu’il emmène a de forts points communs avec les idéaux libertaires et le combat zapatiste peut être considéré comme un prolongement du combat magoniste dans d’autres conditions géographiques. Ces paysans qui soi-disant « ne veulent pas changer et firent une révolution pour cette raison »* n’aspirent aucunement à la prise de pouvoir politique mais à la conquête de l’autonomie au bénéfice des communautés paysannes. Ils ne réclament pas, non plus, la nationalisation de la terre mais sa distribution selon le modèle communal ou en petites propriétés. Ce qui signifie qu’ils ne mènent rien d’autre qu’une révolution sociale.

En 1915, alors que les projecteurs de la politique nationale sont braqués sur les campagnes militaires d’Obregón contre Villa, ils démantèlent les haciendas, redistribuent les terres, promulguent des lois du travail et adoptent un programme d’éducation et de santé publique. Un aspect fondamental de leur mouvement est la subordination des autorités militaires aux autorités civiles, élues librement au sein d’assemblées autonomes. On peut lire dans une de leur proclamation « La force, comme le droit réside essentiellement sur la collectivité sociale. En conséquence, le peuple en armes remplace toute armée permanente. »

De passage sur les terres zapatistes, Antonio de P. Araujo, membre du PLM ne peut que constater que « Les terres se retrouvent aux mains des anciens péons qui les travaillent librement. Je ne vois nulle part les visages angoissés des travailleurs journaliers mais l’air satisfait d’hommes et de femmes qui n’ont plus de maîtres. Comme la police a disparue, l’ordre règne. »

À l’instar de l’Ukraine paysanne de Nestor Makhno (1918-1920), comme les collectivités agraires de Catalogne et d’Aragon (1936-1937) la Commune de Morelos est une énorme expérience sociale dans laquelle « Crève la faim et déshérités » ont prouvé qu’ils pouvaient prendre en main la vie publique sans l’intervention de l’État ni l’intromission de politiciens professionnels. Comme celle du PLM, la lutte des zapatistes attire la solidarité de militants internationaux qui accourent au Morelos d’Espagne, de Cuba, des États-Unis ou d’autres recoins du monde.

Les zapatistes ont triomphé mais en fin de compte, leur destinée s’est jouée loin du Morelos, dans les grandes plaines centrales où les victoires retentissantes d’Obregón sur les armées de Pancho Villa changent le cours de la Révolution. En 1916, solidement installé à Mexico, Carranza ordonne une offensive militaire contre les zapatistes. Une fois encore, les paysans opposent une résistance acharnée sans que fléchisse leur révolution. En 1917, Zapata promulgue un « décret général administratif » qui renforce la démocratie directe mais privé du soutien des villistes, c’est presque l’ensemble de la population du Morelos qui tombe sous la coupe des constitutionnalistes. Militairement invincible, Zapata est attiré dans une embuscade et assassiné traîtreusement le 10 avril 1919 dans l’hacienda de Chinameca, celle dont il s’était enfui sept années auparavant. Il n’avait pas atteint sa quarantième année.

Pendant ce temps, les magonistes poursuivent leur œuvre au nord du Rio Bravo. Vers 1918, Librado Rivera, Ricardo et Enrique Flores Magón, leurs familles et un petit groupe de sympathisants nord-américains fondent une communauté à Edendale, Californie. Ils y mettent en pratique quelques-uns de leurs idéaux anarchistes : « ce fut une période de travail ardu mais aussi de paix et d’harmonie », notre Salvador Hernández Padilla.

Même grièvement blessé et diminué, le PLM ne s’est jamais dissout. Le dernier numéro de Regeneración, le 262 de la quatrième série, sort le 16 mars 1918. Il contient un manifeste dirigé aux anarchistes du monde entier et aux travailleurs en général appelant à « l’insurrection de tous les peuples contre les conditions existantes » et conclue que « pour éviter qu’une rébellion inconsciente n’aille pas forger de nouvelles chaînes avec ses propres bras pour aller reproduire l’esclavage du peuple, il est nécessaire que nous, qui ne croyons en aucun gouvernement, qui sommes convaincus que quelle que soit sa forme et quiconque soit à sa tête, il n’est que tyrannie car c’est une institution créée non pour protéger le faible mais renforcer le fort, soyons à la hauteur des circonstances et sans peur allions propager notre idéal anarchiste sacré, le seul humain, le seul juste, le seul authentique. »

Il adresse également un salut à la révolution russe, confirmant ainsi la vocation internationaliste de ses auteurs. Il faut toutefois préciser que la révolution libertaire pour laquelle ils luttent n’a pas grand-chose en commun avec celle qui triomphe à Moscou cette année-là. En 1920, Ricardo accuse les bolcheviques d’avoir assassiné la révolution et mis en place une nouvelle dictature. Dans une lettre à Elen White (pseudonyme de Lily Sarnoff) correspondante nord-américaine, il écrit ses mots prophétiques : « Cette question russe me préoccupe beaucoup. Je crains que les masses russes, après avoir attendu en vain la liberté et le bien-être qui leurs avaient été promis par le dictature de Lénine et Trotski n’aillent retourner au capitalisme. » Dans une autre lettre, il précise « La tyrannie engendre la tyrannie. La soi-disant transition nécessaire entre tyrannie et liberté a démontré n’être en réalité qu’une transition entre une révolution avortée et la normalité. »

Le 21 mars, Ricardo et Librado sont détenus et condamnés à 15 et 20 ans de prison pour sabotage de l’effort de guerre des États-Unis, entrés en première guerre mondiale. Dans un premier temps, ils sont emprisonnés à l’île Mc Neil, dans l’état de Washington. Puis, Ricardo, affaibli par la maladie est transféré à la prison de Leavenworth, Kansas, où il est assassiné le 21 novembre 1922, à la veille d’une remise en liberté. Le rapport officiel indique qu’il est décédé suite à une attaque cardiaque mais son cadavre présente des signes évidents de violence. En représailles, un autre prisonnier, José Martínez, tue le chef des gardiens, tombant lui aussi victime de son action.

Sa mort marque la défaite des anarchistes parallèlement à celle des zapatistes ou d’autres courants radicaux issus de la révolution mexicaine. Néanmoins, les idées ne meurent pas et en 1921 surgit la Confédération Générale du Travail qui reprend à son compte les principes généraux de la COM et de l’anarcho-syndicalisme européen. Elle va animer les principales luttes de l’étape post-révolutionnaire, causant quelques soucis aux gouvernements des généraux Obregón et Calles.

« Je suis un rêveur. Je rêve de beauté et j’aime à partager mes rêves avec mes congénères. Tel est mon crime. » écrit Ricardo depuis sa prison peu de temps avant de mourir.

Ce rêve est toujours vivant dans le cœur des hommes et des femmes luttant pour un Mexique meilleur.

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