Les assemblées générales, il y en a lors de chaque mouvements étudiants. Elle suivent en général le même schéma, appliqué mécaniquement par les organisations étudiantes. Celles-ci convoquent l’assemblée, proposent une tribune. Les débats sont organisés autour d’un ordre du jour fixé plus ou moins à l’avance par elles, le temps de parole est circonscrit et les décision sont sanctionnées par une pluie de vote. Enfin, un comité plus restreint ( dont le nom peut changer, comité de mobilisation, de lutte…) interprète les décisions votées en assemblée en vue de les appliquer comme il peut et veut.
Ce type de partition possède un air de famille avec le fonctionnement d’un état démocratique bourgeois, avec une assemblée qui vote et un exécutif qui met en œuvre. D’ailleurs, la place des partis y est aussi prépondérante, comme dans les assemblées parlementaire type 3e république par exemple. La majorité, mouvante, est faite et défaite au cours d’alliances ponctuelles du centre et de la gauche pour un coup, du centre et de la droite pour l’autre. Le parti qui commande, c’est finalement ce centre, représenté à l’époque de la 3e république par les radicaux-socialistes, aujourd’hui par telle ou telle fraction de la militance.
Cela conduit à de nombreux écueils, les plus importants étant de cantonner une grande partie du débat à la question du blocage et plus généralement de pétrifier le mouvement. Mais un mouvement de lutte ne peut pas se permettre trop longtemps de rester piégé de cette manière, sous peine de s’épuiser.
Le blocage
Bien sûr, ce n’est pas pour rien si la question se cristallise autour du blocage, lorsque celui ci est voté. C’est qu’il s’agit de la question politique essentielle : pour ou contre la poursuite du mouvement lui même. Cependant, cela produit une situation singulière, assez unique dans les mouvements de luttes : sous prétexte de favoriser une « démocratie étudiante » largement de l’ordre du fantasme, on se retrouve à faire des anti-grévistes les arbitres des choix tactiques du mouvement.
C’est cette question de la tactique qui est à régler. L’assemblée de masse est elle vraiment le lieu le plus adéquat pour échanger, discuter, élaborer, les tactiques à mettre en œuvre dans une lutte ? Et cela, en laissant les adversaires déclarés de cette lutte participer et aux débats et aux prises de décisions ? Cela n’a rien d’une évidence. D’autres modes d’organisations sont possibles. Par exemple, se doter d’outils tels que l’assemblée de lutte, rassemblant les personnes non pas sur la base de leur statut d’étudiant mais plutôt de participant à la mobilisation, ce qui à pour double effet d’élargir la lutte tout en l’organisant plus efficacement.
Alors, que faire?
Voulons nous pour autant bazarder les assemblées de masse ? Pas le moins du monde. Ce sont des moment importants, ou nous nous retrouvons nombreuses et nombreux, ce qui est toujours enthousiasmant. Mais ce sont plutôt des espaces pour parler politique, c’est à dire stratégie : tenter de voir l’ensemble du tableau, débattre des grandes options qui s’offrent à nous, inciter à voir plus loin, s’informer, distribuer des textes, en somme tirer parti du nombre, au lieu de se débattre avec.
Élaborer des tactiques, en assemblée de luttes, lors d’une manifestation, dans une action, parce que le piquet de grève de la boite en lutte d’en face à besoin d’aide car le patron à embauché des jaunes pour casser la lutte : tout cela se fait à une échelle plus petite, plus régulière, devant une situation donnée, et surtout, avec les personnes qui mettront réellement en œuvre ce dont elles discutent.
Cela dispense d’ailleurs de voter, la question étant non plus de fonctionner comme un parlement mais plutôt comme des camarades en lutte.
Bien sûr, notre critique du vote n’est pas idéaliste. Nous savons bien que cette (mauvaise ) habitude est dure à perdre. Elle joue aussi peut-être un rôle de pacification, d’acceptation du mouvement par les anti-grévistes, du moins durant un temps. Car ceux-ci s’organisent et ne respectent bientôt plus que le rapport de force. C’est cela, la signification réelle d’une masse de disons mille pro-blocage qui se lèvent face aux 500 anti-grévistes : l’expression d’un rapport de force posé par le biais du vote à main levée.
Discipliner, contrôler, gérer une lutte.
Puisque nous en arrivons au rapport de force, il reste une dernière question à évoquer. Celle de la signification politique de ce mode de fonctionnement « démocratique ». En bout de logique, il s’agit aussi de se poser, face à l’état, ou plus directement la présidence de la fac, comme le seul interlocuteur légitime.
Mais un interlocuteur, une direction, doit être en situation de gérer son mouvement. Comme c’est d’ailleurs aussi le cas des directions syndicales. Diriger, cela veut dire quelque chose de très précis : il s’agit de maintenir l’ordre lorsqu’on le décide. Qu’est ce qu’une direction qui ne peut pas siffler la fin d’une grève ? Une direction dépassée. Une direction qui ne décide plus rien.
Alors, pour maintenir cet ordre, les directions mettent en place leurs propres polices : le bien nommé service d’ordre, seul détenteur de la violence légitime selon eux. Et qui n’hésite pas à imposer les décisions de la direction y compris par la violence contre le mouvement, ou la collaboration avec la police.
Pour tout cela et plus encore, nous sommes critiques de l’assemblée générale démocratique. Mener cette critique est une nécessité du mouvement. (Pour info, ce texte reprend certains arguments, remis au gout du jour et tout ça, de celui-ci, paru il y a deux ans sur le site)
Le texte en version tract, pour le diffusion. Il s’intitule, « le bingo de l’AG »
J’ai connu des AG où un préavis de grève a été voté pour… l’année suivante !! Où le directeur de la structure était le premier à parler… où des collègues d’une autre boîte sont venus nous expliquer comment communiquer avec un système de langage des signes pour ne pas faire trop bordel… où les blocages étaient boudés au profit d’un « ce soir on est fâché mais on joue le spectacle » pour ne pas se mettre à dos les clients…
Indice : c’Était pour sauver la culture française…
Comment tu fais pour discuter des « grandes options qui s’offrent à nous » si on part pas tous des mêmes bases ? Entre des gens qui sont par principe contre l’illégalisme et d’autres par principe pour, certaines qui luttent contre l’application d’une réforme et d’autres qui aimeraient oeuvrer au renversement du capitalisme… ?
On dirait que reconnaitre ses alliés et ses ennemis est une chose facile.
Sinon, interdire d’applaudir pourquoi pas ? C’est quoi ces bouffons qui font une ovation dès que quelqu’un dit un truc ? Au final on se retrouve plus qu’à balancer des slogans et à attendre d’être applaudi.