Le texte qui suit vient d’être écrit et diffusé par des camarades à Marseille. Un autre texte écrit par ce groupe est disponible ici. A faire tourner et diffuser largement.
A l’heure où nous écrivons ce texte, huit morts sont déjà recensés et les recherches ne sont pas finies. Ces morts, personne ne les verra. Parce que le champ de ruines est déjà quadrillé par les «autorités compétentes».
On ne verra pas les morts : à la place, c’est le spectacle de l’État, grimé en sauveur tout puissant qui sera relayé par tous les médias. Ce tableau épique, en voilà la composition : flics et pompiers à l’œuvre, en nombre, en force, héros de l’État et de la mairie faisant tout leur possible pour sauver d’éventuels miraculés sous les décombres, victimes impuissantes des intempéries qui auraient causé l’effondrement.
Et à travers eux, l’État lui même et les autorités supposées compétentes de la ville, se mettent en scène dans toute leur puissance et leur professionnalisme.
Ces mêmes autorités qui nous en mettent plein les yeux aujourd’hui, étaient pourtant bien au courant de la situation puisque pompiers et experts s’étaient déjà succédé à plusieurs reprises dans ces immeubles pour dresser des rapports et évacuer les habitants durant l’année jusqu’au mois dernier.
En fait, aujourd’hui, l’État, ses flics et ses pompiers, sert à reloger misérablement certains dans des gymnases, à compter les morts et à faire croire qu’ils sont désormais en capacité de gérer. Or il n’en est rien.
Pourquoi, sinon pour redorer son blason, mobiliser autant de forces aujourd’hui quand on aurait pu sauver ces habitants, pour moins de frais et d’efforts en s’attaquant au problème lors de l’intervention de ces mêmes pompiers dans ces mêmes bâtiments le 18 octobre dernier?
La réponse pourrait avoir quelque chose à voir avec d’autres travaux quelques mètres plus bas, et, plus globalement, avec les politiques d’urbanisme qu’on retrouve partout à Marseille et dans le monde. Au menu, les mêmes partenariats publics/privés (Marseille habitat, Soléam et consort) appliquant la même stratégie pour faire du profit en spéculant et attirer une population susceptible de voter, de mieux payer les loyers et impôts locaux, et de consommer plus.
Ailleurs en Europe, la ville de Bruxelles a adopté une stratégie similaire : celle du pourrissement, pour vider un quartier de ses habitants sans avoir à les reloger et faire baisser les prix du bâti. Elle a été jusqu’à pondre un arrêté y interdisant toute signature de bail, toute ouverture de commerce, et même tous travaux d’entretien. Ici le contexte est différent, mais le principe est le même : nous laisser crever à petit feu dans des logements en ruines dans un premier temps, pour pouvoir ensuite nous reloger pour pas cher en se payant le luxe de donner à la chasse aux pauvres l’image humanitaire d’une action de sauvetage désintéressée.
A Noailles ce phénomène a eu lieu à moindre échelle, après avoir laissé pourrir le quartier, les rénovations commencent doucement (réfection de la place du marché, regoudronnement de certaines rues, suppression de places de stationnement …). Témoignent encore de cette transition étrange les palissades qui sont censées sécuriser le chantier de rénovation du futur hôtel* (îlots des feuillants) ont engendré la création d’un étalage de poubelles et d’un immense abri à rats.
Alors qu’ils essaient de faire de Noailles une vitrine «typique» de Marseille pour des touristes plus bourges et pour rendre le centre ville plus clean – en faisant des rénovations tape à l’œil – derrière les façades de cartes postales, les habitations s’effondrent.
«C’est le propre du système capitaliste de produire des biens non pas pour satisfaire les besoins de la population, mais pour les vendre et en tirer profit. Les promoteurs, les entrepreneurs, ne font pas construire des logements par humanisme… Mais pour les vendre ou les louer le plus cher possible.» Comité des mal- logés. Juillet 1991.
Puis qu’aucune rénovation rentable ne peut avoir lieu sans nous chasser d’abord, ne nous y trompons pas, nous n’avons rien à attendre de la mairie ou des politiques qui aspirent à sa conquête, ni de n’importe quel projet de requalification alternatif à celui de Gaudin.
Non seulement l’urbanisme nous tue, mais il se sert en plus de nos morts pour justifier la suite de ses méfaits. Dans ce spectacle, on l’a vu, le rôle du héros est déjà pris par les autorités, celui du méchant endossé par la pluie, et pour les habitants de Noailles et de tous les logements à l’abandon de la ville, quel rôle reste t’il? Victimes? Spectateurs?
Non content de préparer aux habitants du quartier un avenir dégueulasse (combien d’autres immeubles devront être évacués), ce bal masqué nous démobilise, nous dépossède de tout rôle à jouer. Nos représentants ne représentent qu’eux mêmes, leurs intérêts s’opposeront toujours aux nôtres. Nous ne pouvons pas rester spectateurs, devenons acteurs, en nous organisant collectivement pour nous faire entendre.
Si nos quartiers étaient vraiment les nôtres, jamais nous ne les aurions laissés pourrir au point d’en mourir. Ces quartiers qui nous tuent, ils ne sont pas à nous, mais nous devons les reprendre.
Pour joindre ces camarades, se tenir au courant des initiatives qu’ils organisent sur la question, vous pouvez:
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Vous rendre au local CAMARADE, 54 rue Espérandieu, à Marseille
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Les contacter par mail : lecamarade[arobase]protonmail.com
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Les suivres sur Facebook : Collectif pour la Solidarité de Classe