Dans ce nouveau questions/réponses, nous parlons de stratégie des blocages… C’est qu’alors que les barrages perdurent sur les ronds points, les discussions fusent. Que faut-il bloquer? Faut-il se concentrer sur les points stratégiques?
Faut il se concentrer sur certains points comme les ports?
On entend beaucoup parler de bloquer les ports, les raffineries, les points stratégiques. En soi, c’est une bonne chose. Mais ce qui fait la force de ce mouvement, c’est son caractère diffus. Le fait qu’il y ai une multiplicité de points de blocage est une grande force. En effet, si les blocages se concentraient sur quelques points, il seraient certes plus facile à bloquer, mais surtout beaucoup plus facile à débloquer: l’état, comme il l’a fait par exemple durant la mobilisation de la loi travail, n’aurait qu’à envoyer les CRS débloquer les axes stratégiques les uns après les autres.
Il pourrait sur chaque point déployer beaucoup de force, puis la projeter ailleurs. Alors que lorsque ça bloque partout, c’est une autre paire de manche: l’état est aussi obligé de disséminer partout ses forces, et cela le paralyse de fait.
En bloquant partout, on bloque bien mieux, et surtout, à la hauteur de ce que nous pouvons faire en étant tous et toutes impliqués. De plus, les blocages doivent êtres des lieux de débats, d’échanges: de mini comités d’action à chaque ronds points.
Et la grève générale?
On entend de plus en plus parler d’appeler à la grève générale. Cela ne se décrète pas, ça aussi on l’entend souvent. En fait, il faut tout d’abord revenir sur ce que signifie grève générale. Si on l’entend dans sa définition syndicale classique, cela veut dire appeler à la grève les secteurs sans lesquels tout s’arrête: transports, énergie, communication. Et c’est vrai que c’est efficace, on l’a vu en 1995.
Mais encore une fois, comme pour la question des blocages, ce qui fait la force de ce mouvement, c’est la masse qu’il met en jeu. C’est qu’il n’est pas dans une logique de délégation, ou ce serait la petite minorité de travailleurs des secteurs concernés qui se battent pour tout le monde: de toute façons, ils ne veulent ou ne peuvent plus comme il y a vingt ans.
En revanche, la grève de masse, basée sur la multiplication des débrayages locaux, ça ç’aurait de l’impact. Ce serait revenir aux fondamentaux des actions de la classe des exploités: on débraye, on sort, on va voir les collègues de la boite d’en face, on passe faire un coucou sur les points de barrages… Bref on fait masse, et on démultiplie les actions.
Retirer son argent des banques?
Ça, on l’entend beaucoup. Cantona en avait parlé il y a quelques années. Nul doute que lui, qui a été très bien payé durant sa carrière, peut en retirer des sous.
Mais ce n’est pas du tout le cas de la plupart des participants de ce mouvement contre la vie chère! La réalité, c’est que dés le 15 du mois, nous sommes bien nombreux et nombreuses à l’avoir retiré, tout notre argent des banques, et même plus, on creuse le découvert! C’est d’ailleurs l’une des bases même de cette mobilisation!
Il n’y a pas d’intérêt (sans jeu de mot) à se focaliser sur les banques. Elles ne sont qu’un aspect de cette société, qui toute entière est à jeter. Et à se focaliser là dessus, on risque de lâcher sur tout le reste.
La force est à chercher dans notre situation:amplifier et étendre la lutte.
Être plus nombreuses et nombreux, multiplier les barrages et en faire des lieux vivants du soir au matin.Garder les barrages effectifs tant que possible: les barrages filtrants ne sont pas suffisant pour bloquer l’économie.
Et puis il faut des renforts! Voir entrer dans la danse les lycéens, les étudiants, tous les salariés. Faire de chaque barrages un mini comité d’actions ou on discute ensemble. Grève et blocages partout. Nous, les exploités, vivons et travaillons sur tout le territoire. Voilà notre plus grande force, c’est elle qu’il faut faire fructifier. Multiplions aussi les pratiques d’entraide que nous voyons fleurir partout, comme par exemple pour garder les enfants. Ce que ce mouvement porte d’enthousiasmant, c’est tout cela: l’immense force collective des millions de travailleurs et travailleuses.