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Histoire du magonisme et de l’anarchisme au Mexique – Part III: Dans la tempête

Troisième partie de l’article de Claudio Albertani (lire la partie I et la partie II) qui retrace l’histoire de l’anarchisme au Mexique et la trajectoire militante de Ricardo Flores Magón. Retour sur le déclenchement de la révolution déclenchée fin 1910 et le rôle joué par les guérilleros anarchistes, dont Práxedis G. Guerrero, réunis sous la bannière du PLM et épaulés par quelques wobblies venus des Etats-Unis voisins. (traduction PJ Cournet)

Dans la tempête

La révolution en armes se déclenche le 20 novembre 1910. La veille, Ricardo avait écrit « La révolution va éclater d’un moment à l’autre. Nous, qui depuis tant d’années, avons guetté tous les événements de la vie sociale et politique mexicaine ne pouvons nous y tromper. Les symptômes du formidable cataclysme à venir ne peuvent être objets de doute (…) Il faut faire en sorte que ce mouvement causé par le désespoir ne soit pas un mouvement aveugle. (…) Aucun gouvernement, aussi honnête puisse-t-on l’imaginer, ne pourra décréter l’abolition de la misère. C’est le peuple lui-même, les crève-la-faim, les déshérités, qui doivent abolir la misère en prenant possession, pour commencer, de la terre qui, par droit naturel, ne peut être accaparée par quelques-uns mais est propriété de tout être humain. (…) Et maintenant, au combat ! »

Ce n’étaient là pas des paroles en l’air. Au même moment, Regeneración atteint un tirage de 30 000 exemplaires circulant clandestinement sur l’ensemble du Mexique, ce qui représente un nombre probablement quatre fois plus élevé de lecteurs. Les membres du PLM mènent des actions armées dans tous les États du nord ainsi qu’à Oaxaca, au Yucatan, au Jalisco, à Tlaxcala, Veracruz et Tabasco. C’est le début de la brève et héroïque épopée qu’on appellera « l’autre révolution » pour mieux la différencier de celle impulsée par Francisco I. Madero.

Contrairement à ce qui a été écrit ici et là, même par des auteurs libertaires comme Benjamín Cano Ruiz, les magonistes ne sont pas les précurseurs de la révolution mexicaine mais les protagonistes d’une révolution adverse, voire ennemie du maderisme, ce qui, entre autres choses, explique leur absence criante des commémorations officielles. Si le magonisme a recherché des alliances, il conservera toujours sa propre personnalité sans se laisser absorber par aucune autre tendance. Cohérent avec ses postulats anarchistes, il renonce au militarisme et à la lutte pour le pouvoir. Il n’y a pas eu d’armée « magoniste » : le sujet de la révolution devait être le peuple lui-même, pas un dirigeant politique ou un général. Il ne s’agissait déjà plus de prendre le pouvoir mais de le détruire purement et simplement.

Le 30 décembre 1910, Práxedis G. Guerrero (1882-1910), secrétaire de la Junte organisatrice du PLM, une de ses voix plus pures, tombe à Janos, Chihuahua. « Trente libertaires ont fait mordre la poussière et subir une cruelle déroute à des centaines de sbires de la dictature porfiriste. Mais c’est aussi là qu’a perdu la vie le plus sincère, le plus empli d’abnégation, le plus intelligent des membres du Parti Libéral Mexicain » note Ricardo dans un douloureux hommage posthume. Lorsque, quatre années auparavant il s’était joint aux forces magonistes, Prax, comme le surnommaient affectueusement ses camarades, était déjà familier des théories de Bakounine, Kropotkine, Reclus et Tolstoï et de la pédagogie rationaliste de Francisco Ferrer. Comme Ricardo, c’était un poète et écrivain de talent : « Les ressentez-vous ? Ce sont les vibrations du divin marteau qui frappe du fond de l’abîme. C’est la vie qui jaillit de la noire pyramide, faisant trembler le repère de la mort ou règnent de sinistres vampires. C’est l’élan de la révolution qui avance » peut-on lire dans un de ses poèmes qui a ému et émeut encore des générations d’insoumis. Son texte le plus connu, cosigné avec Enrique Flores Magón à San Antonio, en 1909, affirme que « la révolution mexicaine n’est pas un phénomène purement politique. C’est une affaire sociale qui nous concerne directement. » et il conclue par la devise acrate « pour l’émancipation de l’humanité. »

J’ai déjà signalé que les magonistes avaient des relations fraternelles avec les peuples indigènes, en particulier, sans que ce soit exclusif, avec les Yaquis et les Tarahumaras.

Hilario C. Salas, originaire du village mixtèque de Santiago Chazumba, Oaxaca, prêche la rébellion aux habitants de la sierra de Soteapan, à Veracruz, dans leur propre langue, le popoluca. Au Yucatan, des groupes affiliés au PLM mènent la guerre en terre maya, chez les héritiers des cruzobs* entrés en révolte depuis la moitié du XIX ème siècle. Abelardo Beave parcourt les montagnes de Oaxaca en préparant les Indiens à la révolution qui arrive.

Le 29 janvier 1911, des guérilleros du PLM, menés par José María Leyva et Simon Berthold, renforcés par des wobblies (militants du syndicat IWW) s’emparent de la ville de Mexicali (Basse Californie) y déclarant aussitôt leur intention d’y construire une république socialiste dans laquelle hommes et femmes profiteront du fruit de leur travail. « Le drapeau rouge flotte victorieusement sur Mexicali, arborant la devise Terre et Liberté, sainte aspiration des libertaires mexicains » écrit Ricardo.

Le 15 février, un contingent d’approximativement 500 combattants du PLM dont une centaine de nord-américains, met en déroute les troupes fédérales. Au cœur de cette épopée, on retrouve les légendaires wobblies Joe Hill et Frank Little, Fernando Palomarez, indigène mayo du Sinaloa infatigable organisateur et vétéran de la grève de Cananea, l’indigène canadien et wobbly William Stanley ou Margarita Ortega, femme exceptionnelle, à la fois apôtre, combattante et infirmière. Cet épisode est un des plus intéressant, moins connu et plus calomnié de la révolution mexicaine car la présence de combattants internationaux va être passé à l’histoire comme une « flibusterie ».

« Nous participons à la bataille mondiale pour l’émancipation humaine » écrit Ricardo à Emma Goldman. « Notre cause est la votre. Je suis du côté de la vraie révolution mexicaine, celle qui a pour but la terre et la liberté » répond celle-ci. « Tous au Mexique ! » écrit de son côté le légendaire activiste et poète wobbly Joe Hill. La lutte du PLM ne provoque pas seulement de la sympathie aux États-Unis mais aussi en Amérique latine et en Europe. En Espagne, les publications anarchistes La revista blanca et Tierra y libertad suivent la révolution mexicaine et le mouvement magoniste, à l’instar de La protesta à Buenos Aires ou Tierra à Cuba. Il est vrai que Les temps nouveaux (Paris) et Cronaca Sovversiva (Massachusetts) ont mis en doute l’honorabilité des libertaires mexicains et émis des réserves quant à la nature sociale de la révolution mais le malaise sera vite dissipé grâce à l’intervention de Kropotkine.

Autrement plus nombreux sont les révolutionnaires enthousiasmés par la révolte propagée par les magonistes. Citons en plus d’Emma Goldman, son compagnon Alexander Berkman, John Kenneth Turner, auteur de Mexico barbaro, un des livres les plus explosifs et efficaces jamais écrit contre une dictature, l’Irlandais John Creaghe, éditeur et fondateur du journal anarchiste La Protesta de Buenos Aires qui accourut à Los Angeles déjà septuagénaire, le Péruvien Juan N. Montero, agent de liaison du PLM avec les Yaquis de Sonora et la grande poète et propagandiste nord-américaine Voltairine de Cleyre.

Regeneración a une page en anglais, dirigée par le britannique William C. Owen, journaliste expérimenté et traducteur de Kropotkine ainsi qu’un supplément en italien sous la responsabilité de Michele Caminita, alias « Ludovico », ancien collaborateur de La questione sociale (Patterson, New Jersey).

L’anarchiste espagnol Diego Abad de Santillán écrira «  Le nom de Flores Magón nous est devenu familier au mois à partir de 1910 par la presse ouvrière et libertaire d’Europe et d’Amérique et je me souviens à quel point, dans les groupes ouvriers progressistes, s’organisaient des collectes pour contribuer à ce gigantesque combat en y apportant sa modeste obole. » En fait, les relations entre les magonistes et l’anarchisme ibérique remontent à 1905. Lorsque le groupe arrive à Saint Louis, Missouri, il entre en contact avec Florencio Basora, exilé catalan et membre fondateur des IWW. Parmi les correspondants espagnols, on distingue également Pere Esteva, ancien compagnon d’Anselmo Lorenzo et Jaime Vidal qui avait travaillé avec Francisco Ferrer à l’École Moderne de Barcelone.

La projection internationale du magonisme est évidente ne serait-ce que par les nombreux articles de Regeneración reproduits dans la presse libertaire de plusieurs pays. Leur rédaction est assurée par des femmes intrépides comme María Talavera Brousse, Ethel Duffy Turner, ou Elisabeth Trowbridge qui participent parallèlement de dangereuses tâches clandestines dans des conditions d’égalité absolue avec les hommes. Un aspect essentiel de la pratique collective du groupe est la prise de conscience de la problématique du genre et sa tentative de dépasser le machisme propre à la culture mexicaine.

Une autre question centrale est la manière d’entendre la violence et la justice, fort éloignée de la conception léniniste qui a tant de succès en Europe. « Nous allons à la lutte violente sans en faire un idéal, sans rêver à l’exécution de tyrans comme une suprême victoire de la justice. Notre violence n’est pas la justice, elle n’est que la nécessité qui concrétise ce sentiment d’idéalisme insuffisant à affirmer la conquête du progrès par la vie des peuples. » écrit Práxedis. Dans ce même texte, on trouve un écho au Discours sur la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie : « Existe-t-il un peuple dominé par un tyran qui ne lui ait pas fourni une part de son pouvoir ? Un malfaiteur de droit commun peut commettre ses méfaits sans la complicité de ses victimes mais un despote ne peut vivre de sa tyrannie sans la coopération de la masse ou d’une bonne partie de celle-ci. La tyrannie est le crime des collectivités inconscientes contre elles-même et on doit l’attaquer comme une maladie sociale par la Révolution en considérant la mort des tyrans comme un incident inévitable de la lutte. Rien de plus qu’un incident, en aucun cas un acte de justice. »

En avril 1911, le PLM appelle à se battre contre « le capital, l’autorité et le clergé » sous le slogan de « Terre et liberté » qu’il a repris des anarchistes espagnols. Le 25 avril, les maderistes signent avec les représentants du gouvernement fédéral les traités de Ciudad Juárez qui stipulent la démission du dictateur et un cessez-le-feu. Un des articles désigne León de la Barra, une des personnalités les plus impopulaires de l’ancien régime, comme président provisoire en attendant la convocation de nouvelles élections. Les libéraux qui avaient déjà rompu avec Madero l’accusent désormais de traîtrise : « Le Parti Libéral Mexicain ne travaille pas à amener qui que ce soit à la présidence de la république. C’est au peuple de nommer ses maîtres s’il en a envie. Le PLM travaille à conquérir la liberté pour le peuple considérant que la liberté économique est la base de toutes libertés. »

Le 26 juin, les troupes fédérales écrasent les insurgés de Basse Californie avec la complicité de Madero. Le 14, Ricardo, Enrique, Librado Rivera et Anselmo L. Figueroa avaient été arrêtés à Los Angeles sous l’accusation de violer les lois de neutralité des États-Unis. Le 23 septembre, les quatre réitèrent leur position anarcho-communiste du fond de la prison : « Il faut donc choisir : ou un nouveau gouvernant, c’est à dire un nouveau joug ou l’expropriation salvatrice et l’abolition de toute imposition religieuse, politique et de tout ordre. » Ils vont passer les trois années suivantes derrière les barreaux.

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